Il ne faut pas parler dans l’ascenseur

ascenseurUn homme est assassiné en rentrant chez lui, une jeune femme se fait renverser en traversant la rue, un homme la secoure et passe la journée avec elle, l’hôpital lui affirme qu’elle a été transférée directement en soin intensif, le policier Victor Lessard est appelé sur les lieux d’un délit de fuite… Y a-t-il un lien entre ces événements et lequel ? une sombre machination est-elle à l’oeuvre ? Seule la lecture de ce polar choral vous donnera les réponses…
Il ne faut pas parler dans l’ascenseur trainait dans ma pile depuis près d’un an (les polars ne sont plus ma tasse de thé depuis quelques temps, que voulez vous mon petit coeur tout mou supporte mal la dérive grand guignolesque et sanguinolente des “thrillers” d’aujourd’hui). Avec Québec en septembre, l’occasion de l’en sortir s’est présentée et disons que ce fut une bonne lecture avec quelques bémols (si le papou veut bien me permettre de lui emprunter son expression favorite).
Du côté positif, j’ai aimé l’écriture fluide et la construction astucieuse de ce roman autour d’une – ou même deux – intrigues bien complexes. Les changements de narrateur sont efficaces, plaçant le lecteur dans cette position agréable à mi-chemin entre auteur et personnages où il fait bon se poser des questions et risquer des hypothèses. La ville de Montréal, ses rues, son ambiance, sont bien rendues et j’ai retrouvé avec plaisir le cimetière Côte-des neiges où j’aime à me promener (oui je fais partie des gens qui se promènent dans les cimetières, c’est calme, c’est vert, c’est fleuri, il y a même de la lecture). Quant à la narration, elle est plutôt prenante, surtout dans la seconde partie du roman…
Du côté bémol, j’ai trouvé les cent premières pages un tantinet confuses et le rythme, dans l’ensemble, aurait gagné à être resserré (les redites m’ont parfois donné envie de sauter quelques pages). Les personnages manquent d’étoffe (y compris le fameux Lessard, tellement classique – alcoolique, problèmes familiaux et difficultés relationnelles – qu’il en devient cliché. Cela dit, d’après ce que j’ai lu, il gagne en profondeur dans ses enquêtes suivantes). Enfin l’auteur a hélas cédé dans les dernières pages à cette dérive sanguinolente – et inutile – dont je parlais plus haut, me gâchant en partie la fin du roman. Bon en partie seulement, car fort heureusement, l’incartade fut courte et j’ai aimé l’entrelacement des histoires, le mélange des genres et l’ambiance – mais en ce qui me concerne, il y a des situations –  quand le gore s’en mêle – où la suggestion est plus efficace que la description. Montréalais !
Il ne faut pas parler dans l’ascenseur – Martin Michaud – 2012 – Goelette
Lu dans le cadre du mois québécois organisé par la divine Karine et moi-même
PS : Ce roman a été publié en France sous le titre Les âmes traquées que – pour une fois – je trouve mieux choisi que l’incompréhensible titre québécois. Certes l’un des personnage prononce bien cette phrase dans le roman mais euh… so what ?
PPS : Oui, oui, mélange des genres, vous avez bien lu… vous reprendrez bien un zeste de fantastique !

quebec14bis

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Québec en septembre millésime 2014, à vos marques !

quebec14Comme chaque année depuis… euh trois ans je crois (quatre ?), le mois de septembre sera québécois sur les blogs grâce à la très aimée et très merveilleuse Karine assistée de moi-même (oui je suis tombée amoureuse de la littérature québécoise un jour et je ne m’en remets pas) (non je ne me soigne pas non plus, quelle idée). Comment participer ? FA-CI-LE ! Il suffit de lire une œuvre d’un auteur québécois – ils sont fort nombreux et très talentueux – mais tous les billets sont les bienvenus, visite, cuisine, musique, botanique, que sais-je ? Lâchez-vous les gens, c’est bientôt l’automne.

Sept lectures communes – et facultatives – sont déjà au programme mais proposez, proposez, il en restera toujours quelquechose (7 c’est magique comme chiffre mais un peu mesquin non ?) (edit on est à 8 LC)…

  1. Un roman de Jacques Côté le 8 septembre
  2. Griffintown de Marie-Hélène Poitras le le 9 septembre
  3. Un tome de la série du Magasin général (la célèbre BD) le 10 septembre
  4. Un livre de Gabrielle Roy le 12 septembre
  5. Un livre de Michel Tremblay (roman, théatre, tout est bon chez michel) le 15 septembre
  6. La déesse des mouches à feu de Geneviève Petersen le 21 septembre
  7. Un roman de Jacques Poulin le 26 septembre
  8. La fiancée américaine d’Eric Dupont le 29 septembre
  9. Le mur mitoyen de Catherine Leroux le 30 septembre

Si d’autres part et d’aventure, vous manquiez désespérément d’idées (pauvre de vous), Karine vous a concocté cet été quelques capsules filmées fort savoureuses et pleines de bons conseils, de plus la catégorie “roman québécois” est bien garnie chez Karine comme chez moi et chez plein d’autres blogueurs, fouinez, fouinez… Tenez, voici mon programme de lecture à moi ? ahem, la lecture est une chose, l’écriture en est une autre mais bon qui lira verra…

J’en profite pour remercier Monsieur Lou pour son superbe logo et maintenant ouvrez vos livres, embarquement immédiat, direction la Belle province…

La bonne compagnie de cette année (toute en désordre cela dit) (et surement incomplète)(n’hésitez pas à vous ajouter en commentaire)

arfang
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Bienvenue les gens !

Bonjour, bonjour, installez-vous, feuilletez, surfez… Oui vous ne rêvez pas, presque tout est en place, près de huit ans de billets, de commentaires (de votre part), d’âneries diverses (de ma part), de causeries, de livres surtout. Tout est là et on repart pour de nouvelles aventures. Alors certes il reste quelques menus ajustements à faire et même, éventuellement, quelques changements. Si certaines choses vous piquent les yeux, c’est le moment, je suis en veine de nouveauté, la boite à suggestions est ouverte. Pensez donc, mon blog avait strictement la même présentation depuis près de huit ans, (ben oui, je suis casanière moi en matière de blog), présentation que j’ai reprise d’ailleurs à peu de chose près, histoire de ne pas être trop trop dépaysée (faudrait pas que je me perde dans les rayons).libraryUn très grand merci à monsieur Kiki du Kikimundo, à la légendaire patience duquel je dois cette prouesse technique. Embarquons-nous, septembre approche, le Québec nous attend…

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Ceux du nord ouest

NW.jpgDans Kilburn au nord ouest de Londres, quartier “caribéen”*, pauvre, lépreux, dangereux aussi, quatre destins se croisent. Nathalie et Leah sont des amies d’enfance aux trajectoires quelque peu disjointes, Nathan s’est perdu, Felix passe dans la rue. Habitent-ils ce quartier ou ce quartier les habite-t-il ? Peut-on changer, quitter un tel endroit quand on y a grandi, partir enfin ? Quelles sont ces fibres qui ligotent les personnages à leur passé, les entrainant toujours plus loin dans le déni, la déchéance ou le mensonge des apparences. Nathalie – la jamaïcaine – a réussi, riche avocate, heureusement mariée, mère comblée, sa vie est parfaite. Sa meilleure amie Leah – la rousse -, s’est moins bien débrouillée mais vit un mariage fusionnel qui semble la combler. Régulièrement, elles se retrouvent avec leur mari respectif, dans la belle maison de Nathalie juste à quelques rues et des années lumières de Cadwell – cité de leur enfance. Mais dans l’ombre de cette amitié indéfectible, flottent les non-dits et les frustrations de toute une vie…

Lire un roman choral est toujours déroutant au départ et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Le récit s’éparpille, les personnage s’effleurent, les techniques narratives se succèdent, courant de conscience, dialogues, flash back, première ou troisième personne, c’est agaçant enfin, presque urticant mais impossible d’arrêter. La puissance de l’écriture un peu rapeuse, souvent sordide soudain lyrique nous aspire dans un Londres ignoré, lézardé, poisseux où l’avenir s’écartèle entre espoir bling bling et passivité agressive sur fond de désenchantement, quand les rêves accomplis n’étaient pas les bons, quand à la question désespérée de Leah – Pourquoi eux, pourquoi nous ?  la réponse immuable de Nathalie – parce que nous avons travaillé plus dur, parce que nous nous sommes accrochés – résonne comme le plus vain, le plus dérisoire, des mentras. Bousculant !

Ceux du nord ouest – Zadie Smith – 2014 – traduit de l’anglais par Emmanuelle et philippe Aronso – Gallimard

PS : l’adjectif français correct serait caraïbe mais je ne sais pas, ça ne va pas ici…

english monthLu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine

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The moving finger (la plume empoisonnée)

agatha-finger.jpgJerry Burton, jeune aviateur en convalescence après un crash – pendant la bataille d’Angleterre sans doute – se voit conseiller une convalescence tranquille dans un coin calme avec la condition explicite de s’intéresser au voisinage pour soigner ses nerfs un rien ébranlés par ses épreuves. Sa soeur Joanna et lui décident donc de louer une charmante villa dans la petite ville de Lymstock et se mettent en devoir se faire connaissance avec les notables du cru. Très vite cependant, une épidémie de lettres anonymes balaie le village, une notable se suicide et l’existence des jeune Burton en est – contre toute attente – considérablement bouleversée…

La plume empoisonnée, pour lui donner son titre français, est un de mes opus préférée de Dame Agatha (avec beaucoup d’autres, je sais) non pas tant pour l’intrigue, quoique celle-ci soit bien menée et joyeusement retorse, que pour son atmosphère si anglo-christienne. Car Lymstock est une sorte de village modèle ou l’on joue au bridge avec le notaire, sa femme, une charmante vieille fille , la soeur du médecine et tutti quanti. On y boit du thé en mangeant de fins sandwichs au concombre et de petits gâteaux tout frais. Bien sûr on bavarde beaucoup et médit souvent car telle est la nature humaine et quand le mystère s’épaissit, la femme du pasteur – fort excentrique mais de très bonne famille apprendra-t-on – n’hésite pas à faire appel à un expert, j’ai nommé la très sagace et toute fragile miss Marple. Cette dernière n’intervient d’ailleurs que très tardivement dans l’histoire – et peut être sans réelle nécessité – mais enfin cela fait toujours plaisir de la revoir et surtout de l’écouter. Ajoutez quelques morts pour pimenter, une dose de cyanure, un zeste de romance, une pincée de my fair lady, un verre de xérès et quelques discussions shakespeariennes et assaisonnez d’une petite sauce christienne. Vous obtenez un très bon moment de lecture, incroyablement confortable, extrèmement délicieux et – à mon avis – très drôle. Je connais par coeur la version française mais c’est la toute première fois que je le lis en anglais et ce fut un plaisir. Delicious !

The moving Finger – Agatha Christie – 1942

Karine l’a lu, elle aussi, pour cette LC christienne du mois anglais

english monthLu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine

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La resquilleuse

resquilleuse.jpgMatilda la cinquantaine, veuve de fraîche date, a tout rangé, nettoyé la maison de bas en haut, vidé les ordures. Il ne lui reste qu’à verrouiller la porte, glisser les clés sous le paillasson, empoigner son panier pique-nique et partir vers la plage dont elle n’a pas l’intention de revenir. Une façon finalement plaisante de mettre un point final à une vie devenue sans objet. Seulement rien ne se passe comme prévu pour ce dernier voyage, comme si le sort s’acharnait à l’empêcher d’agir à sa guise. Jusqu’à ce que son chemin croise – cerise sur le gâteau – l’ennemi public numéro un, le matricide dont toute l’angleterre parle et qui non seulement semble lui aussi décidé à en finir mais de surcroit pourrait bien, par maladresse, se faire prendre. Chose que que Matilda – éternelle sauveuse d’animaux perdus, ne peut sur le moment envisager de laisser faire…

La resquilleuse est le premier roman pour adulte de Mary Wesley et semble-t-il le plus sombre. Et il est vrai que Matilda, femme rongée par une culpabilité universelle et une colère qu’elle ne s’avoue pas tout à fait, est un personnage qui pour être doué d’un certain humour n’en ai pas moins tragique à sa façon ou disons tout simplement triste. Des autres personnages, on ne saura que bien peu, et toujours à travers les yeux de Matilda qui justement semble avoir une compétence particulière pour s’aveugler, rater l’important, effacer ce qui l’arrange. Mary Wesley signe ici, de sa plume piquante, un roman plus amer que doux sur le veuvage et, à l’heure des “comptes”, la douleur de faire face à ce qu’on a préféré écarter toute sa vie. Poignant.

La resquilleuse – Mary Wesley – 1983 – traduit de l’anglais par Michèle Albaret

De Mary Wesley, je ne saurais trop vous conseiller la Pelouse de camomille, un de mes grands coups de coeur…

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Lu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine


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L’auberge de la Jamaïque

auberge.jpgMary Yellan, fille de fermier du sud de la Cornouaille, se retrouve seule au monde à la mort de sa mère. Ne sachant que faire, elle décidé d’obéir à la défunte et de rejoindre son unique parente, sa tante maternelle, perdue de vue depuis son mariage, plus de dix ans auparavant. Après avoir vendu ses maigres biens, elle prend donc le coche – nous sommes au début du XIXe siècle – et part pour les landes du nord où son oncle et sa tante semblent prêts à l’accueillir. Avant même d’arriver sur place cependant, Mary se rend compte que l’auberge de la Jamaïque, que tient le couple, et son propriétaire, Joss Merlyn son ci-devant oncle, ont fort mauvaise réputation. Mary n’a guère le choix mais c’est pleine d’appréhension qu’elle se présente à sa tante – fort changée -, à son oncle – plus qu’inquiétant – et s’installe dans cette auberge plus délabrée que florissante…

L’Auberge de la Jamaïque n’est pas le meilleur roman de Daphne Du Maurier. La narration manque de maitrise et son intrigue est loin d’être aussi aboutie que celle de Rebecca écrit deux ans plus tard, pour autant c’est un roman d’aventure fort agréable à lire et les thèmes que l’auteure y brasse m’ont semblé fascinants.

Tout d’abord l’évocation de la lande est superbe sous la plume de l’auteure, toute frémissante de réminiscences de romans gothiques – Emily Brontë et ses Hauts de Hurlevent ne sont pas si loin – alliant roches torturées, bruyères noires,  brouillard et sable mouvant. La lande en somme, des plus familières pour qui l’a arpentée au côté de Watson et Holmes dans le Chien de Baskerville (j’aime replacer mes chouchous).

L’intrigue elle-même est assez prévisibles pour qui connait un peu les romans d’aventure de ce temps – j’avais deviné les occupations de l’oncle Joss bien avant que Mary commence à soupçonner quoique ce soit – mais cela fait toujours plaisir de retrouver ce genre de malandrins un peu oubliés de nos jours. Ce qui est moins prévisible et même surprenant pour l’époque, c’est la tension sensuelle que Daphne Du Maurier instaure entre Mary et son oncle d’un côté et Mary et Jem de l’autre. Sans déroger vraiment à la bienséance d’un roman des années trente, les réactions de Mary devant la ressemblance – et les privautés – des deux frères, entre répulsion et fascination, sont plus qu’ambigües.

Enfin, et je crois que c’est un thème récurrent chez l’auteure, ce roman traite encore une fois – ou faut-il dire déjà – de la place des femmes dans le monde, la famille et surtout l’action. Les figures féminines de ce roman sont soit soumise et brisée – la tante Patience – soit soumise et gâtée – la femme de Squire – mais aucune n’a réellement de place, elles se définissent par leur mari et s’effacent – volontairement ? – devant lui, seule Mary tente d’agir – à bon ou mauvais escient, de garder sa liberté de choix et d’action. La proposition qui lui est faite à la fin du livre est à ce titre étrangement tournée,  “Si vous étiez un homme, je vous demanderais de venir avec moi, vous grimperiez sur le siège, vous enfonceriez vos mains dans vos poches et nous resterions ensemble aussi longtemps qu’il vous plairait.” Quelle déclaration ! Est-ce Mary qui l’écoute ou Daphne qui en rêve ? Je vous laisse découvrir leur réponse. Ténébreux !

L’auberge de la Jamaïque – Daphne Du Maurier – 1936 – Traduit de l’anglais par Leo Lack – Albin Michel

PS : Je me rend compte que j’ai négligé de parler de l’intéressant vicaire d’Altarnum qui pourtant mériterait à lui seul tout un chapitre, mais ce sera pour une autre fois…

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Le général du roi

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Au XVIIe siècle Honor Harris, toute jeune fille de la gentry, impétueuse et volontaire croise le chemin de Richard Grenville, de dix ans son ainé, marin et soldat accompli, viveur, hâbleur, fort en gueule et d’une assurance ahurissante. Leur rencontre fait des étincelles – au grand dam de la famille de la jeune fille effrayée par la réputation sulfureuse dudit Richard – et leur idylle s’achève dans un drame. Quinze ans plus tard, alors que la guerre civile ravage l’Angleterre et que la Cornouaille se déclare majoritairement royaliste, leurs chemins se croisent à nouveau…

J’ai découvert Daphné Du Maurier sur le tard, alors que ses romans – très populaire dans les années cinquante et soixante, un peu oubliés depuis – étaient présents dans la bibliothèque familiale. Quoi qu’il en soit je suis passée à côté et quand j’ai découvert Rebecca, j’ai su que c’était une erreur, une gravissime erreur mais j’ignorais encore à quel point. Car ce Général du roi est une petite merveille de roman historique et un véritable coup de coeur.

Comme tout roman historique qui se respecte il nous fait revivre une époque, en l’espèce la première guerre civile anglaise qui devait mener à la prise de pouvoir par Cromwell, mais comme ne le font que les bons, il touche à l’universel en nous faisant vivre le conflit de l’arrière et plus précisément du point de vue des femmes. Ces femmes qui voient partir leurs hommes – père, mari, frère, fils et attendent, attendent, attendent encore, protégeant les enfants, cherchant de la nourriture, recueillant les blessés, craignant que l’ennemi n’apparaisse au bout du chemin et s’inquiétant encore et toujours du sort des absents. Daphné du Maurier en connaissait un rayon sur le sujet, elle qui écrivit ce roman en 1945 au sortir d’un autre conflit et le dédia à son mari – militaire de carrière – “Also a general”.

Quant à la romance, on peut faire confiance à Daphne, de l’amour oui, de la passion même mais ni guimauve ni bluette – Honor voit Richard tel qu’il est – bon soldat, fin stratège et grand meneur d’hommes mais aussi cruel, arrogant, imbu de sa personne, totalement incapable d’écoute et extrêmement doué pour se faire des ennemis. Un de ses trublions qui en temps de guerre peut faire la différence mais que ni ses égaux ni ses supérieurs ne peuvent supporter.

Ainsi donc nous avons ici une guerre, une réflexion sur le sort des femmes, un amour fou et cela serait une matière fort suffisante pour un magnifique roman. Mais il y a plus, car l’auteure en profite pour rendre un vibrant hommage à la Cornouaille – sa terre d’élection – et à la propriété de Menabily – qu’elle habita longtemps, et dont elle fit le cadre principal – quasiment un personnage – de l’intrigue. C’est d’ailleurs cette propriété, qui avait déjà servi de modèle au Manderley de Rebecca, qui lui inspira l’histoire du Général du roi lorsqu’on découvrit, lors de travaux, une chambre secrète oubliée dans un de ses murs… Oui une chambre secrète, une vraie et que l’on pouvait aisément dater de la guerre civile pour une raison dont je ne vous dirai rien ici. Allez, avouez que vous voulez en savoir plus…  Coup de coeur !

Le Général du Roi – Daphne Du Maurier – 1946 – Traduit de l’anglais par Henri Thiès – Phebus libretto – 2003

Les avis de Karine et Choupynette avec qui je partageait cette lecture et qui ont aimé elles-aussi (forcément ajouterais-je…)

PS : Sir Richard Grenville est un personnage historique, un chef de guerre qui a soutenu Charles 1er puis Charles II avant d’être écarté.

PPS: Menabily appartient depuis l’origine et encore aujourd’hui à la famille Rashleigh (Daphne Du Maurier n’en était que locataire), à l’époque de la guerre civile les propriétaires en étaient Jonathan Rashleigh et son fils John dont la femme s’appelait Joan Pollexfen (les initiés comprendront, les autres lisez donc le livre).

PPPS: Nina Companeez a réalisé en 2013 une fort jolie et fidèle adaptation de ce roman – sous le même titre – avec Louise Monod et Samuel Le Bihan, transposant l’histoire en Vendée pendant la révolution française. Je conseille.

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Lu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine

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La vie très privée de Mr Sim

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Mr Sim, c’est Maxwell, 48 ans, séparé depuis peu, dépressif… En cadeau de rupture, sa femme lui a laissé un billet d’avion pour l’Australie, histoire qu’il aille se réconcilier avec son père qu’il n’a pas vu depuis des lustres. Initiative qui se solde par un échec cuisant mais l’amène, pour sa dernière soirée australienne, à admirer la profonde complicité d’une mère et de sa fille qui dînent non loin de lui : épiphanie, prise de conscience, coup du lapin, on ne sait pas trop mais cette vision décide Max à changer quelquechose dans sa vie. Quoi ? Il ne sait pas trop car sa vie est remarquablement vide, sans apparemment qu’il se soit jamais demandé pourquoi, mais il va changer des choses, c’est aussi décidé que faire se peut quand il s’agit de Max. Et certes les mois à venir vont être quelque peu cahotiques pour notre Mr Sim.

J’aime Jonathan Coe, j’ai aimé sa Maison du sommeil et eu un véritable coup de coeur pour la Pluie avant qu’elle tombe mais je suis passée complètement à côté de ce roman-ci. Je l’aurais normalement abandonné mais il se trouve que la très merveilleuse et très aimée Karine avait envie d’en parler alors, pour une fois, je me suis accrochée et j’ai essayé d’évaluer d’un peu près les raisons de mon abyssal ennui. La plume de Coe n’est clairement pas en cause et j’ai même beaucoup apprécié les histoires dans l’histoire que lit Max au cours de son périple  post Australie. Non en fait ce qui pêche pour moi, c’est le personnage de Max lui-même et par là tout le propos de ce roman. Car où diable Jonathan essaie-t-il de nous emmener en nous faisant suivre le personnage le plus inintéressant de la galaxie.

Car le pauvre Max n’a pas grand chose pour lui, on pourrait lui pardonner son manque d’intelligence et d’entregent et plaindre sa profonde solitude mais pas son absence totale d’intérêt pour les autres. La dépression pourrait être une explication mais à aucun moment l’opinion des autres personnages ne nous laisse entrevoir un autre Max, moins égocentrique ou insensible. Sauf erreur de ma part, il n’envisage jamais une autre personne qu’en fonction de lui-même, ce qui explique sans doute qu’il ait pu nouer une relation aussi émotionnellement satisfaisante avec son GPS à la voix suave.

Cette relation avec Emma le GPS est d’ailleurs symptomatique, d’autres lecteurs (la plupart peut-être) ont trouvé ces passages drôles et même hilarants, je les ai trouvés pathétiques d’abord, répétitifs ensuite. Du coup faute d’un point de vue intéressant ou simplement décalé sur lequel m’appuyer, les découvertes de Max sont – en ce qui me concerne – tombées à plat, d’autant que l’auteur a cru bon de nous servir deux fois la même révélation – bon pour deux personnages différents quand même – avant de boucler l’affaire sur un twist final qui m’aurait semblé cuistre si je m’étais attachée aux personnages mais qui dans ce contexte m’est apparu comme un joyeux pied de nez illustrant sans vergogne le vide psychologique du roman. Désolé Jonathan, ce sera pour la prochaine fois !

La vie très privé de Mr Sim – Jonathan Coe – traduit de l’anglais par josée Kamoun – 2011 – Gallimard

Les avis beaucoup plus positifs de Cryssilda et Karine qui, elles, ont aimé voire beaucoup aimé dans le cas de Cryssilda.

PS : Je suis peut être insensible à l’humour de Coe ? j’avais noté dans mon billet sur la Maison du sommeil, que rien dans cet excellent roman ne m’avait semblé même un tout petit peu amusant – preuve que d’autres lecteurs l’avaient probablement trouvé drôle… à creuser !

PPS : Pourtant j’aime l’humour anglais…

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Lu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine

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Memento mori

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Dans les beaux quartiers de Londres, d’étranges appels téléphoniques viennent troubler la quiétude, à moins que ce ne soit pimenter la vie, d’une brochette de personnes âgées. Points communs, toutes ont plus de soixante-dix ans et toutes se connaissent et s’apprécient (ou se détestent cordialement) depuis de nombreuses années. Le propos est toujours le même : Souvenez vous que vous allez mourir ! Et chacun de réagir à sa façon, avec curiosité, courtoisie, inquiétude ou paranoïa, et chacun de se demander lequel d’entre eux s’amuse ainsi avec les nerfs des autres…

Muriel Sparks est une romancière anglaise prolifique dont j’ai souvent croisé le nom, le mois anglais m’a paru le moment idéal pour la lire enfin et disons qu’elle décoiffe un tantinet Dame Spark. Memento mori est une fable plus grinçante que comique sur le vieillissement, ses conséquences et ses effets sur les relations entre personnes. Entre Dame Lettie qui passe son temps à réécrire son testament, Charmaine effrayée par sa propre faiblesse et la dépendance qui en découle, sa nouvelle gouvernante en mal de captation d’héritage, Alec qui observe ses contemporains avec la méticulosité – et l’empathie – d’un entomologiste, Taylor, ancienne dame de compagnie de Charmaine, désormais clouée dans un lit d’hopital en compagnie d’une dizaine de vieilles dames parfois hautes en couleur et tant d’autres encore, le moins qu’on puisse dire est que nous sommes loin de la douce sérénité de la vieillesse… Dans un style sobre et efficace, Muriel Spark confère à l’environnement somme toute prosaïque qu’elle décrit la cruauté d’une danse macabre… avec un nuage de lait. Féroce !

Memento mori – Muriel Spark – 1959 – Stock 1993

PS : Un peu angoissant quand même, brrrr…

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Lu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine

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