Entre 1920 et 1940, entre une hécatombe et un génocide, Henri et Mathilde Bourgeois auront dix enfants. Dix enfants honorables, catholiques et conservateurs voire royalistes, prêts à se battre pour Dieu, la Patrie et la Famille avec les majuscules qui correspondent. Mais vivre dans la chaleur d’une fratrie si nombreuse, partager son temps, son espaces, ses parents, sa vie pendant des années a toujours un prix. L’histoire des Bourgeois, militaires, avocats, hommes d’affaires, femmes au foyer, portant haut leur patronyme, s’inscrit dans la grande histoire du XXe siècle, avec ses joies, ses peines, ses guerres, ses désillusions et bien sûr ses deuils…
Vingt ans après l’Élégance des veuves dont la lecture m’a bouleversée, Alice Ferney lui donne une suite, au style tout aussi raffiné mais fort différente dans sa forme comme dans sa construction. Ici une narratrice – l’auteure peut-être – se penche avec un intérêt d’entomologiste sur les pages jaunies – et en désordre – d’un album de famille – ou peut-être d’une boite de photographies mélangées par le temps, essayant d’imaginer ce que peut signifier faire partie d’une fratrie aussi nombreuse et soudée autour de convictions fortes, inquestionnées voire élevées au rang de certitudes. De ce fait, il m’a été au départ assez difficile d’entrer dans l’histoire, les commentaires de cette narratrice ayant tendance à m’agacer mais peut à peu une sorte de dialogue interne s’instaure avec le lecteur – ou ici la lectrice – autour de cette famille dont elle dissèque l’histoire avec des élégances d’équilibriste, frôlant la complaisance avant de corriger le tir d’un trait d’humour ou d’une ellipse saisissante. Alors certes tous ces personnages ne me sont guère sympathiques car même si l’auteur se défend d’écrire un roman social, en choisissant une telle famille, elle situe quand même son point de vue à un endroit précis qui – en ce qui me concerne – ne pourrait guère être plus éloigné de mon histoire familiale et de mes convictions (et puis je n’aime pas beaucoup les gens pétris de certitudes, c’est plus fort que moi). Cela dit, le point de vue justement m’a fasciné, me montrant une toute autre manière de lire le XXe siècle qui, si elle ne me convainc pas, m’a fascinée. Brillant !
Les Bourgeois – Alice Ferney – Actes Sud – 2017
L’auteure vient demain dans ma librairie ; je vais essayer d’y aller (je ne l’ai jamais lue).
Elle est très intéressante à écouter je trouve 🙂
Billet précis et détaillé. Je ne sais pas si je lirai ce livre mais j’ai eu plaisir à lire ce billet.
merci Luocine 🙂
Je n’ai lu qu’un titre d’elle (très bien, grâce et dénuement), et je note L’élégance des veuves, à lire avant peut être.
Je l’ai préféré – ce fut un coup de coeur – mais celui-ci m’a beaucoup plu aussi… d’une autre manière 🙂
Moi aussi j’avais beaucoup aimé ce livre, il y a un certain temps en effet ! Peut-être que si je croise cette suite en bibliothèque… mais c’est délicat, ls suites de coups de coeur…
C’est une suite sans être une suite, plutôt un focus sur la même famille mais d’un autre point de vue et centré sur d’autres époques 🙂
Je vais donc commencer par lire le premier. Puis j’enchaînerai.
excellente idée 🙂