“Chacun appelle Barbarie ce qui n’est pas de son usage”*
Au premier abord, Les Barbares dirigé par Bruno Dumezil peut impressionner par sa taille et son poids – 1500 pages tout de même, mais la forme même de l’ouvrage en rend l’accès assez aisé même pour une non-historienne comme moi. Il s’agit en effet de cinq articles de synthèse, explorant l’histoire de ceux que l’usage a consacrés comme barbares. Car comme le fait justement remarquer l’auteur dans sa préface, le barbare n’existe pas par lui-même mais dans l’œil de celui qui projette sur son altérité un certain nombre de représentations subjectives, qu’elles soient liées à son langage, sa vêture, ses coutumes, sa violence incontournable, son animalité supposée ou sa pilosité débridée (Ah les barbares chevelus !).
Le premier article se consacre donc à la conception grecque du barbare (à tout seigneur tout honneur puisque c’est aux grecs que nous devons le mot barbare – celui qui communique par des bar-bar-bar et non en bon grec, le second celle de Rome, des origines jusqu’à l’apogée de l’empire. Le troisième, lui, se consacre à l’antiquité tardive et revient sur l’état des lieux des connaissances actuelles sur ce que l’on a longtemps appelé “les grandes invasions” – notion aujourd’hui largement remise en cause par les progrès de l’archéologie notamment. Le chapitre quatre s’intéresse au moyen-âge et à l’éloignement de la barbarie avant que le cinquième ne revienne sur les représentations modernes et contemporaines du fameux barbare – entre autre, mais pas uniquement, dans la littérature. En tout une centaines de pages pleines d’intérêt dont je ne saurais trop recommander la lecture. Et donc me direz-vous où sont passé les 1400 pages restantes ? Elles sont consacré à une petite encyclopédie de la barbarie – un glossaire plutôt – où les entrée les plus classiques – Gaulois, Celte, Burgonde, Huns ou Wisigoth – en côtoient d’autres plus surprenantes peut-être comme Asterix, Asimov, Conan ou Game of throne le tout dans une gamme très variées, citons Lindisfarne, Ibn Kalhûn, boire dans un crâne, Sutton Hoo, Cheveux et poils (si !) ou Withby. Je ne vous dirais pas que j’ai lu tous les articles du glossaire, mais je l’ai abondamment feuilleté, ce qui m’a permis d’éclairer certaines notions un peu floues dans mon esprit et de découvrir avec intérêt des faits et des analyses dont je n’avais pas idée.
Alors certes il faut aimer les barbares, sans doute suis-je gagnée d’avance, étant tombée dans la fantasy quand j’étais petite (et dans Astérix semble-t-il) ce qui m’a de tout temps amenée à me poser toutes sortes de questions incongrues sur le peuplement anglo-saxons de la Bretagne (il fut un temps où il était bien difficile de trouver des textes en français à ce propos, croyez-m’en), la culture des hommes du nord (là on a Régis Boyer et c’est bien), l’ogham, l’Edda, le Kalevala, les mérovingiens chevelus ou le royaume wisigoth (après tout, Toulouse en fut la capitale un temps, ça crée des liens). J’ajoute que bien entendu chaque entrée est confiée à un spécialiste de la question, ce qui en plus d’être très ébouriffant donne une idée assez claire de l’état de la science aujourd’hui autour de ces thèmes. Passionnant !
Les Barbares – 2016 – dirigé par Bruno Dumézil – PUF
*Montaigne
Intéressant mais long en tabar….surtout en ce moment.
Et puis demi-grec, je ne suis qu’à demi barbare.
Le Papou
Il s’agit d’y picorer 🙂
Tu es une vraie spécialiste du genre ! Le sujet m’intéresse mais je me contenterais d’articles dans des revues comme “L’histoire”.
Une spécialiste, oh non surement pas, une promeneuse tout au plus. Mais que veux-tu les Barbares sont passionnants comme concepts et comme personnages 🙂