Les souffleurs de verre

verriersDans la France de la seconde moitié du XVIIIe siècle, on nait souffleur de verre et on le reste. Les grandes lignées de maîtres verriers sont à la fois prospères et prestigieuses, leur métier étant l’un des rares qu’un noble peut exercer sans déroger. De là à se sentir presque noble soi-même, il n’y a qu’un pas que d’aucuns – pour leur malheur peut-être – franchiront.
Car dans la famille Busson, on est roturiers et travailleurs mais également curieux, éduqués et ouvert aux idées nouvelles qui grondent par tout le pays et le font trembler sur ses bases. Des cinq enfants de Mathurin et Magdalaine, l’aîné – Robert – est le plus fantasque, éternel insatisfait, courant la fortune dans tous les camps, toujours prêt à tirer un trait et repartir à zéro quitte à semer la consternation derrière lui… Des années après la Révolution, Sophie, sa plus jeune soeur, se souvient avec une affection lucide du frère “indigne”, qui de soutien de Philippe Égalité se fit émigré, abandonna sa famille, se fit passer pour noble – ajoutant Du Maurier à son patronyme, et ce n’est pas fini car rien dans le monde en mutation qui était le sien ne pouvait apaiser cette âme toujours en quête…
On dit que Daphne Du Maurier fut assez surprise quand, explorant la région du Mans à la recherche du château Du Maurier dans lequel la tradition familiale situait la naissance de son aïeul Robert, aristocrate émigré pendant la Révolution, elle ne trouva qu’une ferme, un lieu-dit, ancienne propriété d’une famille de maîtres verriers.  Ainsi donc la tradition n’était – comme souvent – qu’une fable que Daphne s’employa à éclairer et dont elle fit ce très beau roman. Récit familial donc avec l’histoire rocambolesque du controversé Robert mais aussi superbe plongée dans l’époque révolutionnaire vue par une famille d’artisans aisés du fin fond du Perche, là où les nouvelles arrivent avec retard, où les rumeurs les plus folles se propagent, se croisent, se contredisent, divisant les familles, réécrivant les fidélités. Comme dans Le Général du roi, on retrouve le thème de “l’arrière”, des femmes qui, en l’absence des hommes, assurent la continuité de la vie dans l’attente inquiète de la moindre nouvelle mais l’auteure nous offre aussi quelques beaux moments de bravoure dont le 14 juillet 1789 dans les rues de Paris ou l’invasion du Mans par les “Chouans”. Une belle histoire donc, pleine d’aventures et de rebondissements dans un cadre historique fort bien rendu et documenté et toujours l’écriture limpide et la maitrise psychologique de l’auteure. Excellent !
Les souffleurs de verre – Daphne Du Maurier – 1964 – traduit de l’anglais par Catherine Grégoire
Lu dans le cadre du so sparkling mois anglais des si scintillantes Titine, Lou et Cryssilda. Il peut entrer dans la catégorie roman historique, roman de Daphne ou même roman d’une auteure anglaise du XXe siècle, elle est pas britishement belle la vie ?

moisanglais

Ce contenu a été publié dans roman britanique. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

15 réponses à Les souffleurs de verre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *