Aout 1914, Anna jeune grecque ottomane de 15 ans est invitée par son “oncle de Russie” à passer des vacances à Stavropol dans le Caucase. Ravie de tant de nouveauté, la jeune fille embarque gaiement pour Batoum, sans se douter qu’elle ne reverra Constantinople que cinq ans plus tard. À peine arrivée, elle perd sa tante dans l’effervescence des gares russes prises d’assaut par les conscrits de la grande guerre. Après deux mois d’errance, elle arrive à rallier Stavropol, malade et en piteux état, mais il n’est plus question de voyager, ni même d’écrire à sa famille, la Russie est en guerre et la révolution s’annonce. Ne sachant que faire elle devient préceptrice d’anglais, dont elle ne possède que quelques rudiments mais qui est très à la mode, apprend le russe, devient Annouchka et sans jamais perdre espoir de retrouver les siens, avec l’énergie et l’inépuisable bonne humeur de ses quinze ans, décide de s’arranger du mieux possible de la situation…
C’est au début des années soixante que Maria Iordanidou, au crépuscule d’une vie bien remplie, décida de prendre la plume et de conter les souvenirs d’une jeunesse bousculée par les remous de l’Histoire. Car les aventures rocambolesques d’Anna sont bien les siennes, du moins dans les grandes lignes puisqu’il semble qu’elle se retrouva coincée en Russie de 1916 a 1920 alors qu’elle y était partie pour des vacances. Ce qu’elle choisit de nous en raconter est déconcertant de fraicheur et de candeur. Vus de la lointaine Stavropol, les nouvelles apparaissent déformées, les événements semblent totalement décousus, personne ne comprend grand chose mais tout le monde est très occupé à vivre le mieux possible – parfois à simplement survivre – dans ce grand chaos qui nous fait revivre par le petit bout de la lorgnette les bouleversements du début du XXe siècle. C’est frais, c’est enlevé, totalement addictif et j’en viens à regretter amèrement que seuls deux romans de cette merveilleuse conteuse soient traduits en français. Au mois il m’en reste un à lire. Enthousiasmant !
Voyage dans le Causase – Marie Iordanidou – 1965 ? – traduit du grec par Blanche Molfessis – 1997 – Acte Sud
PS : je ne peux m’empêcher de penser qu’elle rentra – après cinq ans totalement isolée des siens – juste à temps pour vivre les terribles événements des années 20 en Turquie qui culmineront avec le grand échange et la forceront à quitter son pays, comme tous les Grecs, pour rallier d’abord l’Égypte puis Athènes où elle vivra ensuite, le régime de Metaxas, la guerre, l’occupation allemande, la guerre civile… Et qu’elle était visiblement toujours aussi pleine de vie, d’humour et d’allant à 65 ans quand elle prit la plume. Quelle femme !


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