« Elle s’assoit devant son ordinateur et ouvre ses courriels. Déjà cent-vingt-huit non lus ; deux-cent-vingt-quatre notifications. Et ça la frappe en plein visage. L’humain pourra-t-il survivre à ça encore longtemps ? »
Diane a 15 ans, Diane a 30 ans ! Qu’est devenue l’adolescente sauvageonne qui arpentait l’ile-au-grues en tout sens. Est-ce bien la même femme que cette créature aliénée par le travail, isolée dans sa capsule d’efficacité, toujours en quête de plus : Plus d’ouvrage, plus de dossiers, plus de rendement, au point d’en avoir oublié son humanité, au point de vouloir s’en affranchir plus encore. Par une opération si nécessaire. Une opération qui la libérerait des contraintes d’un corps qui malgré tous ses efforts lui réclame – parfois – un peu de repos. Quelle opération ? On ne le sait pas vraiment. Le sait-elle elle-même ? Mais les effets ne tardent pas à se faire sentir, certains attendus d’autres véritablement très inattendus…
Que voilà un roman tout à fait décoiffant, mi fable hypercontemporaine, mi légende du bois, mi pamphlet antilibéral teinté de féminisme. (Ce qui fait au moins trois demis et nous sommes encore loin du compte). Trois moments de la vie de Diane s’offrent à nous, doté chacun d’une écriture et d’un rythme propre, entrecoupés de textes documentaires – façon wikipedia – sur le lièvre d’Amérique – ce mammifère endémique de l’amérique du nord, considéré comme une proie de peu de valeur marchande ou culinaire mais amusante à chasser. (j’imagine qu’il y a là une allusion plutôt transparente aux femmes). Et le lecteur – ou la lectrice en l’occurrence, est happée, aspirée par cette narration labyrinthique, semblable en cela à l’esprit de cette femme égarée d’elle-même, perdue, aliénée au dernier degré – mais qui peut-être – peut-être – pourrait se retrouver s’en l’avoir voulu – du moins consciemment. Un roman court et prenant, à la construction positivement brillante qui se lâche bien difficilement tant on respire avec Diane tout au long de ces quelques pages mais qui nous laisse en pleine méditation sur l’état du monde. Singulier !
Le lièvre d’Amérique – Mireille Gagné – La Peuplade – 2020
L’avide de la très délicieuse et très pertinente Karine, et celui tout aussi pertinent d’Inganmic qui m’a rappelé que j’avais ce roman dans ma pal.
J’adore ton billet sur ce roman inclassable et très réussi.
merci Anne 🙂
Merci pour le lien, et ravie de voir que tu as toi aussi été conquise par ce texte original et fort prenant.
Ah mais vraiment… cela fait du bine un roman qui nous bouscule un peu 🙂
il va vraiment falloir que je me penche sur ce titre!
Mais quelle bonne idée 🙂
Tu me remets en mémoire cette lecture singulière, en effet.
Tu l’avais appréciée aussi ?
J’étais assez dubitative devant ce titre, mais vu les avis positifs, il se peut que je m’y mette moi aussi.
franchement ça se tente… c’est particulier mais j’ai beaucoup aimé 🙂
Singulier en effet, et tentant
hé hé on ne sait jamais….
J’avais adoré ce premier roman surprenant, je suis ravie que tu donnes envie de le lire à ceux qui ne l’ont pas encore lu : un seul mot, foncez !
Voilà c’est bon de réactualiser l’intérêt de temps à autre, c’est d’ailleurs ce que le billet de Inganmic a fait pour moi 🙂
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