Il était une fois une famille de l’élite parisienne, lui journaliste célèbre et influent absorbé par son aura ; elle, intellectuelle engagée et essayiste connue de 27 ans sa cadette ; leur fil, Alexandre – 21 ans, surdoué, polytechnicien et étudiant à Stanford. Une famille idéale selon certains, mais évidemment fissurée de partout qui explose quand, dans le contexte des agressions de Cologne en 2016 et du #metoo triomphant sur les réseaux sociaux, le fils prodigue est accusé du viol le plus sordide qui soit, celui qui s’ignore…
Paradoxalement j’ai beaucoup aimé ce livre. Oui paradoxalement car au départ je me suis demandé sur quelle planète vivaient ces gens. Pas la mienne assurément, peut-être la Saturne de Bénabar après tout. Que qui que ce soit puisse voir cette famille comme idéale – même avant d’entrer dans la tête des protagonistes – me semble quand même fort de café, à moins de prendre le clinquant pour argent comptant et se dire que ce dernier fait le bonheur. Oui oui des poncifs et croyez-moi il n’en manque pas dans ce roman où tous les personnages sont aussi stéréotypés que possible, une vraie galerie ! L’arriviste égotiste (le père), l’arriviste égoïste (la mère), l’irresponsable égocentrique (le fils)… Et le reste à l’avenant, même la victime n’arrive pas à être autre chose que pitoyable – ce qui dans ce contexte fait un peu grincer des dents.
Alors pourquoi ai-je aimé, vous dites-vous avec pertinence ? À cause de la seconde partie, le procès ! Car après nous avoir présenté – de façon peut-être un rien complaisante – ses déplaisants protagonistes sur fond de sexisme habituel, racisme ordinaire, antisémitisme de bon ton, dérive fascisante, obsession de l’apparence #twitermavie, peur de la vieillesse – qui n’est qu’un naufrage – et toute cette sorte de chose convenue, Karine Tuil nous convie au procès et là on entre dans le sec, le descriptif, le déballage organisé et méthodique d’un drame inter-incompréhensible ou chacun réclame que l’autre voit son point de vue sans jamais s’affranchir des limites de sa perception. C’est fascinant, prenant, méditant (je crois pas que ce mot puisse s’employer de cette manière mais enfin vous comprendrez l’intention). On assiste en spectateur – voire en juré – à l’exercice d’une justice impartiale, mesurée et bien plus humaine que ses justiciables (ce qui ne manque pas de sel) et la question du consentement ou plutôt de l’expression du consentement devient alors réellement le sujet. En tout cas pour la lectrice (en l’occurrence) car pour ce qui est des personnages, il ne m’a pas semblé qu’ils aient évolué d’un iota. Quant à l’autrice, visiblement fascinée par la complexité du monde, son épilogue technologique semble un peu contredire son impartialité perplexe ou me trompé-je ? Quoiqu’il en soit son livre brasse de multiple thématiques très actuelles – certes avec plus ou moins de subtilité – mais pose quelques bonnes questions et fournit ample matière à réflexion (dont celle-ci, vis-je bien finalement sur la même planète que ces gens ?). Questionnant !
Les choses humaines – Karine Tuil – Gallimard – 2019
PS : En cette période de prix littéraire, je vous offre un prix interallié doublé d’un Goncourt des lycéens. Qu’est-ce que vous dites de ça ? c’est pas tout les jours
PPS : quelqu’un pourrait me dire ce que vient faire la citation qui figure juste après la dédicace de ce roman et d’où elle vient ? je n’ai pas trouvé la source. On dirait du Fante non ?
Tu cherches quoi ? Semi-automatique ? Fusil à pompe ? Ça c’est un Beretta 92. Simple d’utilisation. Tu peux aussi prendre un Glock 17, génération 4, un 9 mm avec une crosse ergonomique, ça donne une prise en main ferme, faut bien l’emboîter, le pouce est là, on presse la détente avec la pulpe de l’index, attention, l’arme doit toujours être dans l’alignement du bras, on tire bras tendus, faut mécaniser la surprise au départ du coup, il reste plus qu’à approvisionner le chargeur, une fois que c’est fait, tu fixes la cible et quand tu l’as bien dans le viseur, tu appuies, ça part direct. Tiens, tu veux essayer ? Tu vois le gros clebs là ? Vas-y, bute-le.