les cosaques

Olenine, jeune noble désenchanté quitte Moscou pour s’engager comme officier dans l’armée du Caucase. Il aspire à changer de vie, à laisser derrière lui les jeux d’argent et de séduction, tout ce qui lui parait vain et dépravé dans l’existence oisive qu’il a mené jusqu’alors. Arrivé au Caucase, il s’installe dans un village cosaque et est rapidement séduit par la vie saine, pauvre et proche de la nature qu’il voit se déployer autour de lui, pureté incarnée à ses yeux par la fille de ses logeurs, la belle et vigoureuse Marion, mais celle-ci est déja fiancée…

A côté de Guerre et Paix ou d’Anna Karénine, cette oeuvre de jeunesse de Tolstoï apparait très courte mais elle est aussi d’une incroyable fraicheur. La construction beaucoup plus linéaire que celle de ses grands romans en fait un roman plus ramassé, centré autour d’un seul thème et l’explorant en détail. En un sens ce qui caractérise les cosaques se retrouve dans les scène de chasse et de vie paysanne vécues par Levine dans Anna Karénine et qui m’avaient enchantées. Il y a une sensualité dans ce contact avec la nature, la texture de la végétation, son odeur, les bruits de la traque amenant le chasseur à la méditation sur lui-même et le sens de la vie. C’est dans un de ces moments là qu’Olénine fera l’expérience d’un bonheur soudain et absolu sans autre raison que de se trouver là :

“Et soudain un monde nouveau se découvrit à lui. Le bonheur, le voici, se dit-il à lui-même, le bonheur consiste à vivre pour les autres. C’est clair. L’homme a reçu un appétit de bonheur ; donc cet appétit est légitime. En le satisfaisant égoïstement, c’est-à-dire en recherchant pour soi richesse, gloire, commodités de l’existence, amour, il peut se faire que les circonstances ne nous permettent pas de satisfaire nos désirs. Ainsi ce sont ces désirs qui sont illégitimes, et non l’appétit de bonheur. Alors, quels sont les désirs qui peuvent toujours être satisfaits, en dépit des conditions extérieures ? Lesquels ? La charité, le renoncement.”

Une profession de foi qui trouve sa source dans l’aspect autobiograhique de ce récit. Car c’est bien une des aspirations essentielles de Tolstoï que ce renoncement absolu – il tentera toute sa vie de controler ses appétits et même à plusieurs reprise de renoncer à tous ses biens au grand dam de sa famille. Un très joli roman donc qui tout en décrivant avec chaleur et précision un mode de vie aujourd’hui disparu – celui des cosaques – porte déjà quelques traits essentiels de la pensée de l’auteur, le tout dans une langue lumineuse. Magnifique ! 

Les cosaques – Tolstoi – 1863 – traduit du russe par Pierre Pascal

PS : Je cherchais la poésie des cosaques chez Alexandre (Pouchkine) et sa fille du capitaine (très joli roman d’aventure dont je vous parlerai quelque jour) et bien je l’ai trouvé chez Léon, les écrivains russes sont plein de surprise…

Publié dans roman russe | 10 commentaires

Le jeudi, c’est citation…

“(…) Nous devrions prendre garde de ne pas surestimer la science et les méthodes scientifiques quand il s’agit de problèmes humains ; et nous ne devrions pas admettre que les spécialistes soient les seuls qui aient le droit de s’exprimer sur des questions qui touchent à l’organisation de la société.”

Albert Einstein – 1949 – Pourquoi le socialisme ?

Publié dans citations | 6 commentaires

Timeless

Deux ans après les événements décrits dans Heartless, la vie s’écoule raisonnablement routinière pour l’étrange famille recomposée de lord et lady Maccon. Du moins autant que faire se peut pour un clan de loups garous vivant porte à porte avec le vampire le plus fashion d’Angleterre. Bien évidemment cette situation trop tranquille ne peut guère durer et de fait arrive pour lady Maccon une convocation de la plus vieille des reines vampires ; une “invitation” qui va l’obliger à se rendre en Egypte, pays où son père a abondamment sévi et où d’étranges choses se passent inhibant la magie sur une portion de territoire qui semble s’étendre de plus en plus. Une bonne occasion pour notre très curieuse Alexia d’aller y voir de plus près…

Il est bien difficile en chroniquant ce cinquième et dernier tome du Parasol protectorate de ne rien trahir des opus précédents, d’autant que les lecteurs français n’en sont qu’au troisième sauf erreur, donc mystère et discrétion vous n’en saurez pas plus sur l’histoire. Laissez moi simplement vous dire que Gail Carriger a mis fort élégamment fin à cette série bit-victorienne décidément très réussie (Il semble cependant que certains personnages secondaires pourraient voir se développer leur propres aventures, n’est-ce pas plaisant ?), échappant ainsi au risque d’enlisement qui guette impitoyablement les oeuvres de ce genre (oui impitoyablement, je persiste et signe, c’est terrible de voir des personnages appréciés (et plus si affinité) se déliter de tome en tome, mon petit coeur tout mou saigne bien souvent). Bref cette fois ci le danger est lestement évité et ce dernier tome est tout aussi drôle, spirituel, vivant et bondissant que les précédents, la touche steampunk habituelle en sus. Le voyage en Egypte en compagnie d’une troupe d’artistes hauts en couleur (non vous ne saurez pas qui) est délicieux avec quelques jolis clins d’oeil au couple mythique d’origine, les Emerson. L’action à Londres, resté sous la vigilante protection de Lyall et Biffy, n’est pas oubliée permettant à ces personnages de se développer fort agréablement. Une jolie fin pour une série aussi drôle qu’originale. Réjouissant !

Timeless – The Parasol Protectorate #5 – Gail Carriger – 2012 – Orbit

Les avis de Fashion (revenu des limbes blogoresques, merci grand Tolkien) et Pimpi… et Chimère (qui m’a fait connaitre cette joyeuse série)

PS : J’aurais bien aimé que Gail carriger se fende d’un petit salut explicite à Amélia et Radcliffe Emerson, les personnages d’Elizabeth Peters qui ont inspiré Alexia et Conall. Avec ce tome en Egypte, c’était quand même l’occasion…

PPS : J’ai hâte de voir la prochaine série de l’auteure, si le personnage central est bien celui annoncé (non je ne vous dirais pas lequel) cela pourrait être tout aussi réjouissant…

 

Si vous avez manqué les épisode précédents :

Soulless

Changeless

Blameless

et on dirait que j’ai oublié de faire un billet sur Heartless, mea maxima culpa !

Publié dans SFFF | 14 commentaires

La brocante Nakano

Dans la brocante Nakano, il n’est pas fait commerce d’antiquité mais d’objets essentiellement utilitaires de l’ère Showa (disons des années d’après-guerre pour nous), entassés en un vaste bric à brac de chaises dépareillées, de vaisselles kitsh, de vieux porte-clés publicitaires et autres poèles plus ou moins en état de marche. Rien de très cher, rien de précieux, une manne pour les habitants du quartier un peu gênés, une occasion de promenade distraire pour tous.

Dans cette boutique un peu miteuse, quatre personnes un tantinet solitaires forment pendant un temps ce qui pourrait bien ressembler à une famille: Hitomi, la narratrice, jeune fille sans but ni qualification particulière s’occupe de vendre, Takeo le silencieux récupère les objets, Monsieur Nakano règne sur l’ensemble, fixant les prix, refusant les objets trop anciens, gardant un oeil sur tout. Quant à la soeur de ce dernier, Masayo, elle passe régulièrement en coup de vent, éclairant de sa fantaisie et sa bonne humeur une routine peut être un peu grise parfois. Une famille qui n’en est pas vraiment une, appelée sans doute à se dissoudre un beau jour, à moins que des liens plus profonds ne se soient finalement tissés…

J’aime le style de Kawakami Hiromi, épuré, tranquille, lumineux, il m’enchante. Certes la Brocante Nakano est plus une chronique qu’une histoire car il n’y a guère d’intrigue, plutôt une suite de tableaux tout simples, de tranches de vie qui s’agencent en ce qui pourrait bien être un roman d’apprentissage à la japonaise. Les liens se font et se défont autour d’Hitomi, l’amenant à réfléchir et à considérer le monde sinon autrement du moins avec un certain recul. Une oeuvre peut être moins aboutie que les Années douces, un de mes romans préférés entre tous, mais d’une lecture délicieuse pour qui aime goûter le passage doux-amer des jours. Serein!

La brocante Nakano – Kawakami Hiromi – traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu – Philippe Picquier – 2005

L’avis de Bluegrey (que j’ai contaminée et j’en suis bien heureuse car comme elle vous le dirait aussi bien elle-même : il FAUT lire Kawakami Hiromi… enfin si c’est votre genre)

Publié dans roman japonais | 24 commentaires

Le jeudi, c’est citation…

“Cette toile, dis-je, semblait se considérer comme la reine de la collection.

Elle représentait une femme, considérablement plus grande, à mon avis, que nature : je calculais que, mise sur le plateau d’une balance adaptée à une telle masse, cette dame lui ferait infailliblement indiquer entre quatre-vingts et cent kilos. Elle paraissait, de fait, très bien nourrie et devait avoir consommé une grande quantité de viande de boucherie, sans parler de pain, légumes et boissons diverses pour avoir atteint cette taille, cette ampleur, cette abondance de muscle, cette profusion de chair. Elle gisait à demi-étendu sur un canapé. il était difficile de dire pourquoi car le plein jour brillait autour d’elle. Elle semblait d’une santé excellente, suffisemment robuste pour abattre la besogne de deux cuisinières ordinaires. Elle ne pouvait à coup sûr plaider une faiblesse de la colonne vertebrale ; elle aurait dû se tenir debout ou du moins assise bien droite. Elle n’avait rien à faire allongée en plein midi sur un canapé. De plus elle aurait dû porter des vêtements plus décents – une robe couvrant son corps de façon appropriée, ce qui était loin d’être le cas. Avec du tissus à ne savoir qu’en faire, il devait bien y avoir vingt-cinq mètres de drapé, elle ne parvenait à cacher son corps que très inefficacement. Quand au pitoyable désordre qui l’entourait, il ne méritait aucune excuse. une véritable batterie de cuisine – je devrais peut être dire une abondance de vases et de gobelets – avait roulé ça et là au premier plan, des fleurs bonnes à jeter s’y mêlaient et une masse absurde et en désordre de garniture de rideau étouffait le canapé et encombrait le parquet. En consultant le catalogue, je vis que cette oeuvre éminente portait le nom de Cléopâtre.

Charlotte Brontë – Villette – 1853 (ma traduction sorry)

Publié dans citations | 2 commentaires

Éternel féminin : le retour de la vengeance du swap

Prudent(e)s, vous réfléchissez depuis qui sait quand à tester le concept swapesque ?

Adeptes des swaps, cela fait trop longtemps que vous ne vous livrez plus au plaisir décoiffant des paquets dans la bal ?

Boxaddicts, Vous avez envie de gâter et d’être gâté(e) ?

Enthousiastes, vous aimez les livres, la musique et les friandises ?

Si une ou plusieurs de ces propositions semblent écrites tout exprès pour vous ou si vous êtes simplement curieu(ses)x de voir ce qui s’y passe, rendez-vous chez Anjelica et son swap Eternel féminin dont je suis…

 

Enjoy !

 

Publié dans Swaps | 8 commentaires

Le dit de Murasaki

Dans le Japon du XIe siècle, la jeune Fuji, comme toutes les filles de la noblesse, rêve de la cour, de son luxe et de ses jardins mystérieux. Pour son plaisir et celui de ses amies, Fuji invente le radieux Genji et rédige de merveilleuses histoires autour de ce prince, séducteur d’une beauté éclatante, poète accompli et amant idéal pour toutes les femmes qui ont le bonheur de croiser son chemin. Peu a peu elle amalgame aux aventures de son lumineux héros les rumeurs et les bruits qui émanent du palais. Peu à peu ses récits circulent et font parler d’elle, jusqu’à la faire pénétrer dans les lieux même qui l’ont fait rêver. Nul ne le sait encore, mais Fuji bientôt rebaptisée Murasaki est en train d’écrire le premier roman japonais…

Le dit du Genji est une oeuvre japonaise majeure et peut être le tout premier roman psychologique du monde mais on sait fort peu de chose sur son auteure. Murasaki Shikibu était dame d’honneur de l’impératrice Shoshi et a laissé, outre les récits du Genji, un journal fragmentaire et un recueil de poèmes. On connait bien quelques dates marquantes de sa vie mais c’est à peu près tout. Liza Dalby s’est donc appliquée à compléter son journal, mobilisant ses connaissances étendues du Japon de la période Heian pour faire revivre sous nos yeux une partie du XIe siècle japonais, cet âge d’or du raffinement des moeurs et des arts, la partie qu’aurait pu en percevoir une femme noble de cette époque.

Et elle parvient merveilleusement à restituer l’atmosphère feutrée, élégante, secrète de ce monde féminin. Tout est vu depuis les chambres des femmes, de derrière les écrans de soie d’où les dames font coquettement dépasser les extrémités de leurs volumineuses manches aux couleurs soigneusement choisies. Car si Fuji fait souvent allusion à la nature dans ses poèmes, il s’agit de celle qu’elle peut contempler de sa fenêtre, celle de jardins et de parcs admirablement travaillés. L’extérieur, a fortiori l’extérieur de Miyako la capitale centre de toute vie civilisée, est pour elle un ensemble de lieux effrayants, incompréhensibles et sans doute dangereux. L’essentiel de sa vie se passe dans le clos de sa chambre, harmonisant des coupons de soie, travaillant ses compositions d’encens, jouant du Koto à treize cordes, rédigeant des lettres, de délicats poèmes et les fabuleux récits du radieux Genji. Une vie bien étroite sans doute à nos yeux, même une fois introduite à la cour – sans grand pouvoir déjà à cette époque – mais riche aussi, sans doute parce que Murasaki trouve en elle et autour d’elle les ressources propres à la création, incorporant à son imaginaire ses expériences, ses fantasmes et ce qu’elle perçoit de la politique et des intrigues de cour – on a d’ailleurs supposé que la vie du régent Fujiwara no Michinaga n’était pas étrangère aux aventures du Genji dont il aurait inspiré certains épisodes.

Écrit dans une langue magnifique inspirée des journaux de Murasaki elle-même et d’autres dames de cour de la période Heian, parsemé de magnifiques poèmes waka datant de la même époque, Le dit de Murasaki est une petite merveille de délicatesse et une magnifique reconstruction historique et littéraire. L’histoire de la gestation et de la mise au monde d’une des oeuvres les plus marquantes de la littérature. Envoûtant !

Le dit de Murasaki – Liza Dalby – magnifiquement traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner avec la collaboration de Catherine Goffaux – 2000 – Picquier 2007

PS : Maintenant je veux lire Le dit du Genji évidemment, comment résister à une oeuvre du XIe siècle.

PPS : Je ne rends pas assez justice à ce roman, lisez-le plutôt !

PPPS : Merci Tina pour ce merveilleux cadeau…

 

Publié dans Roman américain | 20 commentaires

Le jeudi, c’est citation…

“Notre prénom nous est en général attribué avec une intention sémantique parce qu’il évoque pour nos parents une connotation agréable ou une promesse que nous tiendrons ou pas par la suite. Inversement, le nom de famille est habituellement perçu comme arbitraire, quelle que soit la force descriptive qu’il ait pu avoir jadis. On ne s’attend pas à ce que monsieur Berger, notre voisin, garde des moutons et on ne l’associe même pas mentalement à cette activité. En revanche, s’il s’agit d’un personnage de roman, les associations pastorales et peut-être bibliques ne manqueront pas d’entrer en jeu. C’est un des grands mystères de l’histoire littéraire que de savoir ce que l’éminemment respectable Henry James a voulu insinuer en donnant le nom de Fanny Assingham à l’un de ses personnages féminins.”

David Lodge – L’art de la fiction – 1992

Publié dans citations | 3 commentaires

Garonne

Garonne - 2012 (Cliquer pour agrandir)

Garonne – 2012 (Cliquer pour agrandir)

Publié dans images de voyage | 8 commentaires

Poème

Les jours se traînent, aussi lassants que la pluie,
mes pensées enlacées de mélancolie
comme les branches du saule pleureur.

Murasaki Shikibu XIe siècle (Le dit de Murasaki – Liza Dalby – 2000)

Publié dans poèmes | Laisser un commentaire