Jeanne est une femme d’habitudes et de routines, employée des postes, mariée à un homme aussi prévisible que prévenant, deux filles déjà adultes, un jardin fleuri donnant sur des voies ferrées où elle aime à regarder passer les trains – toujours les mêmes, le 18h01 et son passager si élégant, et le suivant 20 minutes plus tard et sa passagère au chapeau bleu. Mais derrière cette apparence des plus ordinaires se cache une âme lumineuse attachée aux petits bonheurs du quotidien. Et quand un cadre un peu oublié à force d’habitude se détache du mur, un rien d’imprévu se glisse dans la vie bien réglée de Jeanne.
Une de mes filles me dit parfois – entre reproche et amusement – que j’aime les films où il ne se passe rien (surtout quand ils sont en VO et de préférence dans une langue incompréhensible ajoute-t-elle – fi, faites donc des enfants). C’est un tantinet injuste je trouve (quoique pas totalement faux peut-être), disons que comme Jeanne je vois de la beauté – ou du moins de l’intérêt – là où d’autres ne voient que routine et insignifiance… une fleur bizarre, une couleur détonante, un inconnu qui passe, un palindrome inattendu, un petit défi qu’on se donne comme de marcher sur un pavage sans en toucher les joints quand on est enfant. La Beauté des jours est sans doute un roman où il ne se passe pas grand chose mais il réussit le tour de force d’être à la fois un hymne au vrai bonheur – celui qui passe inaperçu tant qu’il est là – et une ode à l’art le plus extrême comme dérivatif à l’ennui qui guette et pourrait menacer le-dit bonheur. J’aime Claudie Gallay, ses personnages, son écriture limpide, sa vision de l’art – ici celui, quelque peu dérangeant à mon sens, de Marina Abramovic, la délicatesse de ses non-dits, la profondeur qui se cache derrière son apparente simplicité. Chacun de ses romans est un petit bonheur de lecture et celui-ci tout comme les autres – plus, peut-être. Solaire !
La beauté des jours – Claudie Gallay – Actes sud – 2017
PS : De la même auteure sur ce blog, Une part de ciel, Les années cerise et je n’ai pas chroniqué les déferlantes, c’est mal !