La Nature de la bête

gamache_11_naturedelabete_portrait1466711352Laurent Lepage est un petit garçon à l’imagination débordante, trop peut être. Pas de jour sans qu’il annonce une invasion extraterrestre, une armée d’arbres en marche où un tragique enlèvement. Aucun habitant de Three Pines ne prête plus attention à ses annonces dramatiques, alors un gros canon chevauché par une bête monstrueuse, non vraiment… Seulement Laurent disparait et certains commencent à se demander si pour une fois, Laurent n’avait pas vraiment vu quelque chose.

Le désormais ex-inspecteur-chef Gamache coule toujours une retraite paisible avec sa femme à Three Pines, ce village des Cantons de l’est qui ne se laisse découvrir que si l’on se perd. Sa famille l’y rejoint souvent et ses amis-voisins sont fidèles au poste. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais depuis une dizaine de romans, il apparait clairement que Three Pines est aussi idyllique que mortel étant donné le nombre de meurtres proprement impensable qui s’y déroulent. Notre ex-inspecteur, son ex-équipe et ses ci-devant voisins se retrouvent donc embarqués dans un nouveau mystère autour de morts inexpliquées, d’une pièce de théâtre peut-être maudite et d’un improbable et mythique canon géant qui n’aurait jamais dû exister. Lire un Louise Penny me fait l’effet d’une tasse de thé bien chaud (de chocolat, de grog, de whisky pur malt – rayez les mentions inutiles) dégusté près d’un feu de cheminée pétillant, quelque chose d’infiniment agréable et douillet. Je ne m’en lasse pas. Charmant !

La nature de la bête – Louise Penny – 2016 – Flammarion Québec

Dans la même série précédemment…

Le Long retour

La Faille en toute chose

Les Aventures de l’inspecteur-chef Gamache

 

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La galerie des maris disparus

marisdisparusJuliet, jeune femme protégée d’une rigoriste communauté juive londonienne, est, à la grande honte de sa famille, une aguna. Son mari s’étant un jour volatilisé sans explication, elle n’est  ni épouse, ni veuve, ni même divorcée. Entre deux – voire trois –  états, elle n’a plus d’existence bien qu’elle se démène pour joindre les deux bouts et élever ses deux enfants. Jusqu’au jour où partie acheter un réfrigérateur – achat éminemment utile quoiqu’un peu extravagant pour sa bourse, elle consacre finalement l’argent à un portrait d’elle par un jeune artiste dont les œuvres lui ont accroché l’œil dans un parc. Car Juliet a un don particulier, elle voit vraiment et reconnait infailliblement le talent. C’est le début pour Juliet d’une singulière émancipation au rythme de l’effervescence artistique des années soixante et soixante-dix…

J’avais bien sûr beaucoup entendu parlé de Natasha Solomons, raison pour laquelle sans doute, ce roman a attiré mon attention au détour d’une vitrine. Et que bien m’en a pris, car non seulement j’ai découvert une auteure selon mon cœur mais de surcroit, par le biais de son roman le plus abouti – selon moi – à ce jour. Car depuis j’ai lu les deux précédents qui m’ont beaucoup plu. Jack Rosenbaum rêve en anglais étreint le lecteur dans une nostalgie presque insupportable tant elle est bien évoquée et le Manoir de Tyneford se pose en classique du romanesque anglais avec un côté addictif parfaitement contrôlé, apte à tenir le lecteur éveillé jusqu’à trois heures du matin. Mais La galerie des maris disparus – tout aussi drôle que le premier et maitrisé dans sa construction que le second – est d’une facture à la fois plus originale et plus personnelle. À aucun moment le destin de Juliet n’est convenu, elle s’émancipe sans rébellion – gardant des liens forts avec sa famille pourtant totalement incapable de comprendre sa nouvelle vie, elle aime sans s’engager, elle est mère attentive sans être irréprochable, elle fait commerce d’art par passion mais sans idéalisme. La vie de cette femme inattendue se décline au rythme de rencontres, de victoires et de défaites qui ne le sont pas moins, ponctuée par les portraits de Juliet qui encombrent peu à peu la petite maison bourgeoise qu’elle a tenu à conserver, à la recherche dont ne sait quelle parcelle d’elle-même qu’elle parait avoir déjà trouvée mais qui se dissimule dans les replis de son enfance protégée et de son mariage évaporé. Remarquable !

La galerie des maris disparus – Natasha Solomons – 2014 – Calman-Levy – 2016 – Le livre de poche

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Tout dort paisiblement sauf l’amour

97823300605101855, la jeune épouse du gouverneur des Antilles Danoise, goûte les joies d’un heureux mariage et de la douceur du climat tropical loin des frimas et rigueurs de la puritaine Copenhague. Une ombre ternit cependant sa sérénité quand un courrier européen apporte la nouvelle de la mort de Soren Kierkegaard qui quinze ans plus tôt l’aima, la demanda en mariage et rompit un an plus tard sans avertissements ni explications. De l’autre côté du monde Régine songe, se souvient, relit les œuvres de Soren, et explore encore et encore ce que furent la vie et les sentiments de cet homme brillant mais difficile et ce qui l’amena à préférer la solitude à la femme qu’il ne cessa jamais d’aimer et dont il fit sa légataire universelle. Questions sans vraies réponses qu’elle ne cessera jamais de se poser au fil des décénnies alors que la renommée de son premier amour grandit et que bien d’autres se les posent…

J’aime les romans de Claude Pujade-Renaud, sa plume ciselée, ses rythmes sereins, ses personnages complexes et l’exploration tout en délicatesse qu’elle fait de leurs sentiments tout en respectant les mentalités du temps. Est-ce bien ici une biographie de Kierkegaard ? Disons plutôt une évocation – à travers les yeux de la femme qui fut toujours au centre de ses pensées  – d’un homme décalé, rejeton d’une famille éprouvée – peut être maudite – qui dérangea la bonne société de Copenhague avant de devenir une de ses gloires les plus fameuses, offrant à Régine l’étrange notoriété d’être à jamais associée à lui et de son vivant décortiquée comme une icône. Car ainsi que le Soren l’écrivait à Fritz Shlegel, son mari, et qu’elle ne lut que beaucoup plus tard : « Dans cette vie, elle vous appartient ; dans l’Histoire, elle sera à mes côtés.(…) Vous la rendez heureuse en cette vie – je veillerai à son immortalité. » Car tout dort paisiblement, sauf l’amour.

Tout dort paisiblement sauf l’amour – Claure Pujade Renaud – 2016 – Actes Sud

PS : Honte sur moi, je n’ai jamais écrit de billet sur le Désert de la grâce que j’ai pourtant adoré mais j’ai quand même rédigé des billets pour Belle-mère et La nuit, la neige, non mais….

 

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Tancrède

Tancrède1096, Tancrède de Hauteville, jeune chevalier normand du royaume de Sicile, suit son oncle Bohémond de Tarente sur les chemins de la Première Croisade. Aussi pieux que vertueux, Tancrède voit la guerre comme un acte de foi scellé dans le sang versée au nom de Dieu et garde les yeux fixés sur Jérusalem, but très officiel de la croisade. Malheureusement, il réalise vite que les motivations des autres croisés – son oncle en tête – sont bien loin d’être aussi pures. Par son obstination à trouver une voie en accord avec ses idéaux, Tancrède voit s’offrir à lui des choix imprévus et s’ouvrir une destinée vouée à changer le sort du monde…

Dans un premier temps, on se laisse embarquer par la reconstitution méticuleuse des débuts de la première croisade et les portraits psychologiques un brin dérangeants mais fort crédibles des personnages de l’époque. Puis peu à peu le propos se centre sur les divisions de l’islam – explorées en toute érudition mais fort clairement – et insensiblement, les dissonances s’installent, on s’interroge, on vérifie d’un œil quand même, oui c’est bien une uchronie, on le savait d’ailleurs mais la véracité des premiers chapitres nous l’avait fait oublier. Un beau roman, aussi passionnant que sanglant qui explore les ressorts complexes de l’idéalisme confronté aux stratégies politiques, aux compromissions, aux complots et à bien d’autres choses encore. Épique !

Tancrède – Ugo Bellagamba – 2009 –  Les moutons électriques

PS : De Ugo Bellagamba, j’ai également beaucoup aimé “L’Origine des Victoires”, fort différent, décidément un auteur à suivre

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Vi

vi

Vi, la minuscule, la précieuse, voilà le nom qui fut donné à l’héroïne de ce court roman. Née à la fin de la guerre dans un Vietnam du sud qui n’allait pas tarder à étouffer dans l’étau d’une dictature brutale. Enfant plutôt gâtée, boat people, réfugiée dans un camp de Malaisie, puis installée au Québec. Il lui faudra trouver sa voie, elle la microscopique, l’invisible, entre sa famille – une mère attentive et des frères protecteurs mais encore tout pétris de tradition, une communauté figée par l’exil, un monde nouveau qui pourrait s’offrir à elle et lui ouvrir des perspectives inusitées, une acceptation de l’histoire enfin – un retour au Vietnam peut être – qui lui permettrait enfin d’être elle-même.

Comme toujours avec Kim Thuy, l’histoire, la petite comme la grande, se brode en points délicats ; courts chapitres s’entrelaçant comme autant de minuscules chroniques de la vie ordinaire d’un destin qui ne peut pas l’être. Une page, deux pages, trois au plus distillant un épisode, une image, une saveur et finalement des personnages vivants, parfois forts, parfois non, mais toujours admirablement dessinés – la mère de Vi notamment, être hors du commun à l’âme trempée – il est vrai que les portraits de femme tout en retenue et pudeur sont une des forces de Kim Thuy. J’aime ce talent de l’auteure de nous plonger dans une vie qui pourrait s’afficher pleine de fureur et de ruptures en la tournant toujours vers la vie avec cette incroyable douceur dans le style qui dit les choses – et fermement – sans jamais céder à la violence. Magique !

Vi – Kim Thuy – 2016 – Libres expressions (Montréal) – Liana Levy (Paris)

De la même auteur, je ne saurais trop conseiller les deux précédents – et délicieux – romans, Ru et Mãn.

L’avis de Yspaddaden de Tête de lecture qui a aimé elle-aussi

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Le Pendule de Foucault

penduleÀ Milan, un étudiant en histoire, Casaubon, en pleine thèse sur les Templiers rencontre – autour d’un ou plusieurs verres – Jacopo et Diotallevi, deux hommes fort cultivés qui travaillent pour les éditions Garamond – maison confidentielle, on apprendra vite pourquoi* – et ont parfois recours à son large et peu conventionnel savoir. C’est le cas lorsqu’un mystérieux colonel, écrivain putatif, vient leur confier qu’il a fait une mystérieuse découverte sur les Templiers avant de disparaitre tout aussi mystérieusement. Casaubon ne le sait pas encore mais c’est le début d’un engrenage qui l’entrainera loin, très loin, jusqu’au Plan…

Le pendule de Foucault est un roman étonnant, foisonnant, labyrinthique qui entremêle joyeusement une multitude de références – religieuses, historiques, occultistes, ésotériques, mythologiques, politiques, philosophiques, que sais-je encore – tout en explorant les thèmes de prédilection de l’auteur : le complotisme, le secret et surtout la mystification, le tout  avec l’érudition et l’allégresse de style habituelles d’Eco.

Bien qu’écrit dans les années 80, ce roman semble prédire et décrire à loisir ce que nous vivons aujourd’hui tous les jours sur internet et qui existait déjà, certes, mais n’est devenu que trop évident sur ce média : l’énorme appétences humaine à chercher un sens – forcément caché – derrière chaque chose, chaque évènement, chaque certitude quitte à l’inventer. Il est d’ailleurs assez cocasse de reconnaitre à la fois le procédé et  l’intrigue (une toute petite partie du Pendule cependant) qui quinze ans plus tard devait être reproduit – avec moins de brio mais plus de succès – par Dan Brown dans le Da Vinci Code**… à la différence près que jamais Eco ne se laisse prendre à son propre jeu. Alors certes c’est un roman qui se mérite avec des passages parfois complexes – qui peuvent éventuellement entrainer une addiction au moteur de recherche – mais aussi des moments de bravoure intensément jubilatoires***. Grandiose !

Le Pendule de Foucault – Umberto Eco – traduit de l’italien par Jean-Noel Schifano – 1990 – Grasset

*La partie sur l’édition à compte d’auteur est d’une lucide cruauté terriblement actuelle
**On dit qu’un jour Umberto aurait dit en riant à Dan Brown qu’il devrait lui payer des royalties pour son best sellers…
***et je pèse mes mots…

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La femme au carnet rouge

C_La-Femme-au-carnet-rouge_9463Un matin comme un autre, en quête de son matutinal café, Laurent trouve un très beau sac de femme en cuir mauve posé sur une poubelle. Alerté par l’étrangeté, quoique divorcé il en connait assez sur les habitudes féminines, et persuadé que l’objet a été abandonné après une agression, il décide de l’amener au commissariat. Mais l’attente est longue et rebuté il finit par le ramener chez lui et faire ce qu’il n’a pas encore osé, l’ouvrir et en examiner le contenu : un miroir ancien, trois photos, une pince à cheveux, une pochette de maquillage, un livre de Modiano dédicacé (le libraire en lui frétille), un ticket de pressing (il se sent devenir détective) et surtout un carnet de moleskine rouge, contenant en vrac, pensées fugitives, réflexions et diverses listes mais ni nom, ni adresse… Assez pour retrouver la femme au carnet rouge admiratrice de Modiano ? Il l’ignore mais il va essayer…

Quel joli roman ! Plein de douceur et de délicatesse, il nous fait entrer à pas de chat dans la vie de ses deux personnages et nous les rend étrangement vivants et attachants. Laurent a baptisé sa librairie le Cahier rouge, Laure (rassurez-vous, on apprends son prénom dès les premières pages) se confie à un moleskine de même nuance, la connexion est-elle suffisante ? Qu’importe quand la curiosité s’éveille et que chaque pas accroit l’intérêt que l’on porte à l’inconnu. Un très joli chassé croisé parisien et littéraire, léger sans doute mais qui fait du bien à lire. Sensible.

La femme au carnet rouge – Antoine Laurain – Flammarion – 2014

 

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Petites manies de lectrice – the tag

Papillon m’a fait la grâce de me taguer sur mes petites manies de lectrice (Mais ai-je donc des manies ? Ahem oui surement.) Voici donc quelques secrets bien gardés ou pas sur mes lectures…

Que penses-tu des adaptations cinéma ?

ppJ’adore ! J’y cours. Dès qu’une adaptation d’un de mes livres fétiches sort, je me précipite et inversement je décide souvent de lire un livre parce que j’en ai vu une adaptation. (j’ai acheté d’un coup toutes les adaptations existantes de Proust quand j’ai commencé à lire la Recherche – ma préféré est celle de Nina Companez au fait) J’aime comparer les visions différentes que suscite une œuvre, m’interroger sur les choix du réalisateur, éventuellement râler parce que je ne suis pas d’accord mais je trouve toujours cela intéressant et j’ai la chance que ma vision interne ne soit jamais perturbée par la vision de quelqu’un d’autre que ce soit quant au casting ou à la mise en scène. Je continue à relire mes livres préférés sans me soucier des différentes incarnations des personnages par exemple, sauf bien sûr quand je les trouve plus que judicieusement choisies (Viggo fut un excellent Aragorn par exemple, encore mieux que dans mon imagination en fait).

Quel marque-page utilises-tu ?

guideOh j’en ai de toutes sortes, certains très beaux et durables, d’autres publicitaires, je les sème, les oublie, les perds, les retrouve et me trouve souvent sans, dans ces cas terribles je me fie à ma mémoire, à toutes sortes de solutions de remplacement depuis le petit chiffon de papier (kleenex, facturette,…) jusqu’à divers instruments contondants (téléphone, ciseau,…) et puis j’avoue (j’avoue) je corne souvent les pages de mes poches (voyez ce que j’ai fait du guide de l’uchronie de Lhisbei, mea maxima Culpa).

Quel est ton coup de cœur 2015 ?

poésieMon coup de cœur extatique de l’année est sans conteste La poésie du gérondif de Jean-Pierre Minaudier publié au Tripode. Je n’ai toujours pas chroniqué cet OTNI (objet textuel non-identifié), mais si vous connaissez vous comprenez sans doute pourquoi…

Sinon il y en a eu plein d’autres alors faisons une petite (mais drastique) sélection (j’ai eu du mal, j’ai dû en enlever plein) :
Une odeur de gingembre de Oswald Wynd
Rois du monde – première et seconde branche de Jean-Philippe Jaworski
Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepulveda
L’idée ridicule de ne jamais te revoir de Rosa Montero
L’observatoire de Edward Carey
Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir
Les Singuliers de Anne Percin
La trilogie des falsificateurs de Antoine Bello
Manderley Forever de Tatiana de Rosnay
Le Principe de Jérôme Ferrari
Man de Kim Thuy

Comment classes-tu tes livres ?

En piles hélas trois fois hélas. En fait en théorie, je les classe par genre puis par auteur. Mais comme je manque de place, ils sont entassés au petit bonheur la chance, en piles de plus en plus hautes et de plus en plus branlantes et je souffre mille morts quand j’en cherche un. Ce qui est bien dommage voire paradoxale, car les livres sont bien la seule et unique chose que j’aime ranger.

Quels sont tes blogs de lecture préférés ?

J’en lis beaucoup dès que j’en ai le temps surfant de liens en liens, sans doute mes préférés sont-ils les anciens que je lis depuis des années comme ceux de Papillon, Cuné, Karine, Lhisbei  ou Yspadadden mais d’une façon générale j’aime les blogs de lecture.

Des petites habitudes inavouables quand tu lis ?

A part corner les pages de mes poches, je ne vois pas 🙂 je traine mes livres partout, dans mon sac, mes poches, mon cartable… Je lis en marchant, en mangeant, dans la salle de bain, la cuisine ou les toilettes, dehors, dedans, sont-ce là des habitudes inavouables ?

Un auteur contemporain que tu aimerais rencontrer et pourquoi ?

Houla, je ne sais pas. Je suis dans la vraie vie d’une timidité maladive qui m’empêche de parler aux auteurs de j’admire ; par contre une fois la glace brisée (si c’est le cas), je peux les écouter des heures parler de leur métier, de leur inspiration, de la façon dont ils transforment leurs expériences, leurs penchants et leurs idées en littérature…

Où achètes-tu tes livres ?

Un  peu partout. Ma librairie préférée est sans doute l’Ombre blanche à Toulouse, mais j’aime hanter toutes les petites, moyennes et grandes librairies, les bouquineries, les salons, et ce partout où je vais (y compris dans des endroits dont je ne connais pas la langue d’ailleurs)… sans parler des bibliothèques.

En ce moment quel genre de littérature lis-tu le plus ?

utoJ’ai toujours lu de tout, j’aime changer. Je lis plus de Science fiction ces derniers temps car depuis les Utopiales de Nantes en Octobre, j’ai des pages de titres en réserve, mais je continue à picorer des idées de toutes sortes en alternant nouveautés, valeurs sûres et découvertes… (sans parler de mon himalayenne PAL que je devrais bien faire baisser).

Un livre à la fois ? ou plusieurs ?

Plusieurs la plupart du temps car j’aime mener de front romans et essais en particuliers mais il m’arrive de lire plusieurs romans en même temps. ça dépend de mon humeur en fait, par contre si un roman me happe, je le lis d’une traite, les autres attendent.

Quelle est ta lecture en cours ?

penduleLe pendule de Foucault de mon bien aimé Umberto (jubilatoire), mais je lis aussi les Présocratiques (avec messire Lou) et j’avais commencé l’excellent L’Amie prodigieuse de Elena Ferrante qui attend sagement que j’en ai fini avec Umberto…

Sur quel site communautaire dédié à la lecture aimes-tu aller ?

Je suis inscrite sur Goodread, Babelio et sans doute d’autres mais je n’y vais jamais, je préfère les blogs.

Livres papiers ou numériques ?

liseuseLes deux mon capitaine. J’aime les livres papiers, la souplesse de lecture qu’ils permettent, les allers et venues entre les pages… j’aime retourner en arrière, relire, avancer de quelques pages (ou plus) puis revenir où j’en étais. Mais la liseuse m’offre une liberté que j’apprécie au plus haut point, en voyage notamment (où je n’emporte plus de valises de livres) mais aussi pour les séries que je lis et relis avec entêtement et délice mais qui forment des piles souvent envahissantes.

Quel est ton endroit préféré pour lire ?

Je ne suis pas sûre, mon lit, mon canapé, un fauteuil de jardin, un banc public, une terrasse de café, une serviette de plage…

Invite cinq amis à répondre à ce tag (sans obligation d’aucune sorte)

Yspadadden, Cuné, Keisha, Cryssilda, Bluegrey

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Coeurs solitaires

coeurs solitairesNottingham coule des jours habituels sinon véritablement tranquilles – du moins vu d’un poste de Police – jusqu’à ce qu’une, puis plusieurs jeunes femmes soient tuées après avoir eu recours à la rubrique “Coeurs solitaires” du journal local pour faire des rencontres dont la dernière leur fut fatale. Un tueur en série, ce n’est jamais facile pour des enquêteurs bien que certains y voient des perspectives de promotion, quoiqu’il en soit cela annonce surtout des heures supplémentaires – et des sueurs froides – pour l’inspecteur Resnick et son équipe…

Les polars et moi sommes plus ou moins fâchés depuis que le sang et le pathos ont tout envahi et pris le pas sur les enquêtes et les personnages – du moins à mon goût – mais il y a des exceptions et la série des Charlie Resnick est bien parti pour en être une. L’auteur sous prétexte d’enquête – au demeurant fort bien menée – brosse en profondeur tout un petit monde bien typé, depuis Charlie lui-même, flic ordinaire, polonais d’origine, amateur de jazz, de chats et de sandwichs gourmands jusqu’au dernier personnage secondaire de son enquête – au hasard la mère d’une victime ou un témoin de passage, en passant bien sûr par chaque membre de son équipe ; l’auteur prenant le temps de creuser les liens, les situations, les caractères. C’est efficace, bien écrit dans un style fluide et agréable, vivant enfin et cela nous replonge dans ces lointaines années 90 quand portables et réseaux sociaux n’existaient pas encore et que les gens – tout aussi solitaires qu’aujourd’hui – écrivaient parfois aux journaux pour trouver l’âme sœur d’un soir et plus si affinité. Alors certes les amateurs de sang et de thriller haletant n’y trouveront peut-être pas leur compte mais pour qui aime à s’attacher aux personnages et s’insérer dans un monde, c’est royal. Whodunnit !

Coeurs solitaires – John Harvey – traduit de l’anglais par Olivier Schwengler – 1993 – Rivages

Les avis de Cuné et l’Actu du noir qui m’ont donné envie

PS : La bonne nouvelle c’est que la série Resnick compte une douzaine d’opus et j’ai déjà lu le deuxième et c’était bien 🙂

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Qu’a-t-elle vu, la femme de Loth ?

loth

Dans un futur qui nous est proche, le cataclysme a bien eu lieu mais tout autrement qu’on l’attendait. Soudain la mer morte a gonflé, enflé, comme si les profondeurs de la terre vomissaient sa colère ou celle d’un autre, la mer morte a rejoint la méditerranée, engloutissant au passage, l’est de l’Asie, le nord de l’Afrique et le sud de l’Europe. Et avec l’eau a jailli le sel, un sel mauve aux propriétés fascinantes, séduisantes, addictives… et la compagnie des Soixante-quinze fut. La compagnie s’assura la propriété de toutes les terres entourant le cratère d’où avait surgi manne et destruction, fonda la colonie pour l’exploiter et la peupla de ses salariés – un refuge offert aux millions de réfugiés poussés sur les routes par la dévastation ou encore à ceux qui avaient de bonnes raisons de s’écarter du monde. Car l’extraction du sel a ses impératifs, nulle technologie ne fonctionne, la brume mauve étouffe tout ce qui vit, rien ne s’enfonce dans la mer violine où se trainent péniblement quelques pataches de plastique – à peine des bateaux, seuls lien avec le monde extérieur ; un lien bien lent au demeurant car trois semaines, au bas mot, sont nécessaires pour rejoindre le nouveau port méditerranéen de Paris, siège des soixante-quinze. Mais qu’arriverait-il dans un endroit aussi isolé et où la seule loi est le règlement de la compagnie si la direction disparaissait brusquement, l’ordre perdurerait-il ou…

Quelle bonheur que cette année grecque qui me permet de découvrir des pépites que je n’aurais jamais rencontrées autrement. Car ce livre est une pépite d’une richesse incroyable, tant par les thèmes – nombreux – qu’il brasse, que par son histoire palpitante et sa construction retorse, parfaitement – et astucieusement – maitrisée. Le gouverneur Bera – nom du dernier roi de Sodome – est donc mort, et les notables de la colonie se trouvent sans instruction, sans chef, sans procédures, totalement perdus dans une situation hautement kafkaïenne. Le roman se partage donc entre les rapports qu’ils écrivent pour la Compagnie – chacun séparément car ils ne se font nulle confiance –  et la lecture lointaine qu’en fait un  petit personnage étrange, décrypteur de lettres de son état, engagé par la dite-compagnie – mais avait-il le choix – pour y comprendre quelque chose. Les témoignages sont grinçants, horrifiques, peut-être délirants, à la limite du grotesques, l’analyse en est sarcastique voire cynique. Et à mesure qu’on pénètre plus avant dans les arcanes de la nouvelle Sodome gouvernée par le profit, régie par la brume et le secret jusqu’à l’absurde, isolée par la peur des épidémies et des raids d’indigènes agressifs, divisée règlementairement en classes qui n’ont pas à se fréquenter, on se dit tout en tournant fébrilement les pages pour savoir ce qui va se passer – ou plutôt ce qui s’est effectivement passé, que ce futur est peut-être déjà là mais qu’heureusement, il y a toujours une petite lueur d’espoir au fond de l’humanité, serait-elle chétive et un tantinet corrompue. ébouriffant !

Qu’a-t-elle vu, la femme de Loth ? Ioànna Bourazopoulou – 2007 – traduit du grec par Michel Volkovitch – Ginkgo éditeur 2011

PS : Tiens encore une grecque qui détruit le Parthénon, enfin là elle ne fait pas dans le détail, elle rase toute l’antiquité occidentale, Grèce, Italie, Narbonnaise; Moyen-Orient, Egypte… tout vous dis-je… et bien sûr, ce n’est certes pas innocent…

UlysseLu dans le cadre de l’année grdiversitéecque organisée par la très appréciée cousine Cryssilda et moi-même. ainsi que dans celui du défi diversité de Lhisbei car il s’agit bien de SF (ou du moins d’anticipation nécessitant suspension d’incrédulité) écrite par une femme, traduite et se passant en orient (enfin ce qui l’a remplacé), ce qui me permet quand même de toper un nouvel item, le 7 et hop 12/20

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