Saudade

“Décidément, notre ami était d’humeur sombre. Maussade était son caractère, sadness son horizon, saudade son état d’esprit. “Fait chier”, eût-il pu dire en polonais s’il avait su le dire en polonais.”


Gilles Heuré, L’homme de cinq heures, 2009

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Le juge Ti à l’oeuvre


Tout a une fin, même nos relectures communes, à Thom et moi-même, de l’ensemble des enquêtes du Juge Ti Jen Tsie, écrites entre 1948 et 1967 par Robert Van Gulik – de Dee gong an (trois affaires résolues par le juge Ti) traduction d’un vieil ouvrage chinois, à la rédaction d’Assassins et poètes.
Ce dernier ouvrage rassemble huit nouvelles assez courtes dont l’action est répartie sur les quatre premiers postes du Juge, soit sur une durée d’une dizaine d’année. Dans la première, Cinq nuages de félicité, notre juge se demande s’il doit oui ou non épouser Mademoiselle Tao rencontrée dans Trafic d’or sous les Tangs et revue plusieurs fois ensuite sous le nom de madame troisième, dans la dernière Meurtre au nouvel an, il administre encore sa lointaine ville frontalière de Lan fang, où se déroule notament le sublime Mystère du labyrinthe.
Je n’aime pas beaucoup les nouvelles en général, avec une exception notable pour les longues nouvelles ou courts romans tels ceux réunis dans Le singe et le tigre. Les courtes histoires me laissent toujours sur ma faim car elle ne donnent pas aux personnages le temps de se développer suffisament. Et c’est bien ce que je pourrais reprocher aux intrigues du présent recueil, il leur manque à mon sens une partie de ce qui fait l’exceptionnel intérêt des oeuvres de Van Gulik, un décor minutieusement vivant et des personnages secondaires remarquables. Pour autant elles ne sont pas sans intérêt pour qui vient de relire l’intégrale des aventures du magistrat car elles permettent non seulement de retrouver notre bien aimé personnage dans quelques situations cocasses mais aussi de reconnaitre certaines situations développées ensuite dans les romans, la victime des Cinq nuages de félicité rappelle forcément celle du Paravent de laque, tout comme la sourde muette du Passager de la pluie semble une esquisse de la Safran d’Assassins et poètes. Les cercueils de l’empereur permet à Van Gulik de brosser à la fois un beau portrait de militaire, le général borgne est truculent, et celui d’une prostitué de caractère comme il en le secret… disons que cette lecture est peut être à réserver aux admirateurs déjà conquis qui trouveront sans doute agréable de suivre une fois encore notre très aimé juge. Pour moi je l’étais déjà, conquise !

Pour la dernière fois, l’avis de mon estimé frère-né-après-moi, Thom!

Le juge Ti à l’oeuvre – Robert Van Gulik – 10/18

Dans les épisodes précédents
Les enquêtes du juge Ti
Trafic d’or sous les Tangs
Le paravent de laque
Meurtre sur un bateau de fleurs
Le monastère hanté
Squelette sous cloche
Le pavillon rouge
La perle de l’empereur
Le collier de la princesse
Assassins et poètes
Le mystère du labyrinthe
Le fantôme du temple
L’énigme du clou chinois
Le motif du saule

Meurtre à Canton

Le singe et le tigre

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Un moment

Grâce à Lou, je continue le parcours poétique du dimanche avec une dame de lettres que je ne connaissais pas jusqu’alors – shame on me !


Un moment suffira pour payer une année ;
Le regret plus longtemps ne peut nourrir mon sort.
Quoi ! L’amour n’a-t-il pas une heure fortunée
Pour celle dont, peut-être, il avance la mort ?

Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c’est trop d’une heure… un moment ! Un moment !

Vois-tu ces fleurs, amour ? C’est lui qui les envoie,
Brûlantes de son souffle, humides de ses pleurs ;
Sèche-les sur mon sein par un rayon de joie,
Et que je vive assez pour lui rendre ses fleurs !

Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c’est trop d’une heure… un moment ! Un moment !

Rends-moi le son chéri de cette voix fidèle :
Il m’aime, il souffre, il meurt, et tu peux le guérir !
Que je sente sa main, que je dise : ” C’est elle ! “
Qu’il me dise : ” Je meurs ! ” alors, fais-moi mourir.

Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
Et si c’est trop d’une heure… un moment ! Un moment !

 

Marceline desbordes-Valmore (1786-1859) – Romances

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Harry Potter and the Prisonner of Azkaban

La troisième année de Harry à Poudlard s’annonce plutôt mal, d’abord Harry perd le contrôle de ses pouvoirs à Privet drive et gonfle positivement sa tante avant de s’enfuir de chez les les Dursley. Persuadé qu’il va être exclu de Poudlard, il fait connaissance avec le magicobus, un bien étrange moyen de transport magique, avant de s’apercevoir que finalement, tout le monde est trop content de le revoir sain et sauf pour lui reprocher quoi que ce soit… C’est qu’un dangereux criminel s’est échappé d’Azkaban, la prison des sorciers et si bien des gens semblent penser que ce Sirius Black pourrait bien se lancer aux trousses de Harry, personne ne veut expliquer à l’intéressé le pourquoi du comment, une situation particulièrement frustrante pour un garçon de 14 ans qui commence à ressentir quelques velléité de rébellion…

HarryAzkabanBritish2J’aime beaucoup ce troisième tome qui marque pour moi la sortie de l’enfance et l’entrée de Harry dans l’adolescence. De nouveaux personnages apparaissent et il se trouve que j’apprécie particulièrement Sirius Black et Remus Lupin. Sibyl Trelawney me fait mourir de rire et Cornélius Fudge montre déjà sa volonté d’utiliser Harry comme instrument de propagande à l’usage du ministère. Harry, Ron et Hermione commence à sortir de leur cocon et à considérer leurs professeurs comme des personnes à part entière, les scènes entre Harry et Lupin de ce point de vue sont émouvantes, marquant les toutes premières fois où notre jeune sorcier se confie réellement à un adulte.  De plus il en apprend beaucoup sur le passé, sur son père en particulier, et sur ce cercle d’amis qui a quand même produit la carte du maraudeur, ce qui n’est pas rien, une trouvaille cette carte !
Les caractères s’affirment, Ron et Hermione notamment prennent du relief et montrent tous deux un sacré tempérament, Dumbledore dévoile quelques failles et les capacités de Harry, tant magiques que psychologiques, se révèlent peu à peu, non sans peine et douleur pour lui d’ailleurs. Les choses se mettent en place pour la suite de façon plus nuancée et complexe que dans les précédents opus, peut être parce que le trio central commence à se rendre compte que le monde n’est pas si simple.
Au passage, il m’a semblé que le style de la traduction était plus enfantin que le style original (puisque je continue contre vent et marée ma relecture en VO) mais je ne sais pas si je dois me fier à mes impressions en la matière. Quoiqu’il en soit un excellent moment de lecture qui m’a rappelé de très bons souvenirs et donné hâte de passer à la suite. Magique !

Harry Potter and the Prisoner of Azkaban – JK Rowling – Bloomsbury – 1999

Dans les épisodes précédents
Harry Potter and the philosopher stone
Harry Potter and the chamber of secrets


La récapitulation du (re)reading par Cachou, les articles de mes co-team Hedwige  Lhisbei, Nelfe et Marie

 

4/6, c’est une affaire qui roule…

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Hiver du sud…

hiverDuSud
So strange…

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De grandes espérances

Elles s’y sont toutes mises! Cuné, Isil, Erzebeth, Fashion, qui m’a offert De grandes espérances pour mon anniversaire, d’autres encore. Et Charlie Rules par-ci et Dickens par là, le Docteur (Who) lui-même a ajouté son grain de sel (saison1-épisode3) sans parler de Dame Agatha. Lisez plutôt cet extrait de Rendez-vous à Bagdad dont je vous parlais récemment.

“Richard (…) se contenta de demander à Victoria ce qu’elle était en train de lire. Elle fit la grimace.
– Ici vous savez, pour les romans, il n’y a pas grand choix : A Tale of Two Cities, Pride and Prejudice et The Mill on the Floss. Je lis A Tale of Two Cities.
– Vous ne l’avez jamais lu ?
– Jamais. Je considérais Dickens comme une auteur ennuyeux.
– Quelle idée!
– Et je m’aperçois qu’il est passionnant!”

Dickens, Austen, Elliott, sacré choix! De toutes façons, je ne saurais mieux dire que Dame Agatha et Victoria réunies, j’ai toujours eu peur de m’attaquer à Dickens, impressionnée par l’aura, la réputation, la prolixité, que sais-je, de l’auteur. Et je m’aperçois qu’il est passionnant.

Le jeune Pip, villageois orphelin, élevé à la dure par sa soeur acariâtre et son débonnaire forgeron de beau-frère, voit s’ouvrir devant lui de magnifiques perspectives : argent, éducation, indépendance et de “grandes espérances” pour la suite, entendons promesse d’héritage et de fortune. Peu à peu à travers ses expériences, plus ou moins réussies, ses rencontres parfois étonnantes voire oniriques parfois prosaïques, les mille évènements petits et grands de la vie, Pip va apprendre à se connaitre et à décider ce qu’il veut réellement faire de sa vie.
Dit comme ça, c’est pauvre j’en ai bien conscience. Disons que c’est un roman d’apprentissage doublé d’un roman d’aventures des plus allègres, d’une peinture fascinantes d’une certaine société victorienne et surtout une galerie de personnages inoubliables, dont la célèbrissime miss Havisham que j’avais déjà souvent rencontrée au détour d’une citation, d’un hommage voire d’un dessin animé, sa pupille la polaire Estella, Joe à la puissance bienfaisante et quasi-tellurique, l’amitié absolue de Herbert, Wemmick et son étonnante tour d’ivoire, Jaggers, Compeyson, Biddy, Magwitch le forçat bien sûr, d’autres encore. Autant de personnages hauts en couleur, complexes, nuancés, tour à tour attachants et repoussants, toujours intéressants et, comment dire, sonnant vrai. Bien que la caricature ne soit jamais loin,  les acteurs de cette histoire sont étonnamments crédibles et humains.
Il est bien difficile de parler des grandes espérances en quelques lignes, presque aussi difficile que de le reposer, une fois bien installée au coeur de ses pages. Monumental!

De grandes espérances – Charles Dickens – 1861 – traduction de Charles Bernard-Derosne revue par Jean-Pierre Naugrette.

Les avis de Kali, Cuné, Chiffonette, Lilly

1/2

3/2 – le coup de coeur d’Erzebeth (challenge réussi (incredible), mais je continue…)

Janvier 1/12

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La vérité… ou pas ! saison 2

Six vérités et un mensonge… Voilà le tag que m’a refilé Anjelica et depuis je me creuse la tête pour trouver quoi écrire (j’ai aussi un portrait en citations en cours proposé par lou et qui n’avance pas). Bon je ne sais pas si ce sera passionant, passionant mais enfin à vous de deviner…

1. Mes parents m’ont élevée sur trois continents (genre bougeotte)…
Et bien Oui, France métropolitaine, Canada et Ile de la réunion qui pour être un département français n’en ai pas moins rattachée au continent africain…

2. J’ai travaillé comme serveuse dans un routier (genre de nuit)…
Oui, pendant ma première année d’Université, disons que c’était un genre de restau, snack, café, tabac, plus ou moins routier mais j’y était bien serveuse tous les samedi de 14h à 2h du matin… fatiguant.

3. J’ai vu le même film 60 fois en salle (genre avant les magnétoscopes)…
Oui, absolument, J’avais compté! Chaque fois qu’il était programmé quelque part, j’y courrait et comme c’est un classique-blockbster-culte, il était heureusement assez régulièrement à l’affiche. Comment vous n’avez pas deviné ? Star Wars of course, rebaptisé plus tard “Un nouvel espoir”. Ce fut aussi mon premier coffret vidéo dès que j’ai eu un magnétoscope… Cela vous parait si bizarre que ça? Non?

4. J’ai mis ma voiture dans le fossé sur un chemin de terre, toute seule un soir, au coeur d’un parc naturel québécois à des kilomètres de toute vie civilisée (genre peur de ma vie)…*
Ah oui la peur de ma vie, surtout quand au milieu de nul part, trois 4×4 ont surgi (vrai de vrai) dans un nuages de poussières et que quatre hommes sont sortis de chaque véhicules… Bien aimables, ils ont sorti la voiture du fossé…

5. Je parle polonais (genre y’a des langues qui s’apprennent toute seule surtout si elles ne sont pas au programme)…
Et bien Non, je baragouine trois ou quatre phrases, genre ma souris je t’aime, Santé… ah, et je sais conjuguer le verbe boire… pas assez pour une conversation je pense.

6. J’ai dormi plusieurs fois dans des voitures garées à des endroits bizarres (genre inconfortable)…
Oui, le plus improbable, je pense, c’était le parking placé juste en face des chutes du Niagara. Quand on arrive à deux heures du matin c’est ouvert ET gratuit… Bon on ne voit rien dans le noir mais on entend… et le réveil est impressionant!

7. J’ai travaillé deux mois dans un élevage de macaques (genre macaca fascicularis)…
Oui j’étais là pour observer l’établissement des comportement hiérarchiques des jeunes après séparation de leur mère, un endroit triste pour tout vous dire.

8. J’ai combattu des serpents à coup de pierres pour sauver mes enfants (genre mythologique)…
Oui absolument. Mon chat avait la malheureuse habitude de ramener des serpents vivants pour jouer avec. La première fois, j’ai crié, il s’est sauvé, abandonnant la bête à deux mètres de ma fille qui devait avoir deux ans… J’ai pris la première pierre venue et je l’ai proprement écrabouillé. (le serpent entendons nous). D’après le voisin (doudou de son petit nom) que j’ai appelé pour savoir à quel genre de bête nous avions affaire, c’était une vipère. Mais vu l’état de la tête, il n’était pas absolument sûr. enfin Elle était vert pomme, comme les autres qui ont subi le même sort… je n’ai jamais réussi à sauver la tête… De toutes façons, c’était la faute du chat.

Ah zut j’en ai mis huit, qu’importe… saurez-vous reconnaitre l’erreur qui s’est glissée dans ces énoncés ?
Bravo donc à Amanda, Fashion, M. Nono, Isil, Lou, Bluegrey et Pimpi qui ont deviné juste…
Monsieur Lou, prenez donc la suite…

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Etranges découvertes chez mickey

Et non moins étranges chapeaux…

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Art poétique

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.

C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?

O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.

Paul Verlaine, JAdis et naguère, 1884

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Au commencement…

A propos d’un test de traduction automatique selon Altavista de la version anglaise de King James de la Génèse “in the beginning, God created the Heaven and the earth….”

“… Il (le traducteur altavista) a compris Beginning comme un adjectif et non comme un substantif parce qu’il est dépourvu d’information biblico-théologiques et qu’il ne voit pas de différence substantielle entre un Dieu qui est au début et un Dieu qui commence quelque chose. Cela dit, même d’un point de vue théologique et cosmogonique, ce “Dieu qui commençait” est émouvant et convainquant. Pour ce que nous en savons c’était vraiment la première fois qu’il créait un monde, ce qui peut expliquer bien des imperfections de l’univers où nous vivons, y compris la difficulté de la traduction.”


Umberto Eco – Dire presque la même chose, Expérience de Traduction – 2003 – traduit de l’italien (négocié) par Myriem Bouzaher – Grasset 2006

J’aime cet homme !


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